Dans le berceau de la haute technologie, des centaines de sans-abri vont être expulsés du bidonville dans lequel ils ont trouvé refuge au beau milieu de la Silicon Valley. La ville de San José, en Californie, a pris la décision jeudi de démanteler la "jungle" dans laquelle vivent environ 300 SDF.
Des sans-abri perdus. Très tôt dans la matinée, quelques dizaines d’hommes en combinaison blanche, casque rouge et bottes en plastique ont commencé à démonter les abris de fortunes, tandis que des pelleteuses ramassaient des détritus.
Certains sans-abri, perdus, ont vaqué dans les rues avoisinantes en poussant des chariots remplis de leurs affaires. "Ce qu’ils viennent de nous faire aujourd’hui, c’est comme briser une famille, déplore Yolanda Gutierrez, une femme qui habitait la "jungle". Elle parle du bidonville comme d’un endroit presque chaleureux, où les gens "prenaient soin les uns des autres, en particulier entre femmes célibataires".
Un fossé d’inégalités. Quelques manifestants étaient venus soutenir les sans-abri expulsés. "C'est une honte, ça montre l'échec total de la politique de logement de notre ville, de la Californie et de notre pays", dénonce Sandy Perry, avocat pour les sans-abri. A San José, où sont installés les fleurons des hautes technologies comme Apple, Google ou Facebook, plus de 5.000 personnes sont à la rue, sur une population totale d’un million d’habitants, un des chiffres les plus élevés du pays.
David Vossbrink, le porte-parole de la ville, met ce phénomène sur le compte de la crise de 2008. Selon lui, beaucoup de personnes "ont perdu leur emploi ou leur logement", dans une ville où le boom technologique a fait exploser le prix des loyers et fait plonger la possibilité d’obtenir un emploi peu qualifié.
Pour Ray Bramson, chargé de la question des sans-abri à San José, il fallait démanteler cette jungle, pour des questions de sécurité et de salubrité. "Nous nous soucions de la santé et du bien-être des gens", a-t-il déclaré. David Vossbink a expliqué que 140 personnes avaient déjà été logées dans "des appartements, des hôtels, des foyers", et que 60 autres avaient reçu des "bons" d'aide financière pour se loger par leurs propres moyens.
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Le problème va se déplacer. Scott Wagers, un pasteur qui dirige une association d’aide, ne voit pas l’intérêt de démanteler ce camp. Il estime que le problème va simplement se déplacer ailleurs. Il se souvient qu’il y a deux ans, cette "jungle" s’était créée après le démantèlement d’un précédent bidonville. Pourtant, il ne défend pas farouchement l’existence de ce qu’il appelle "un syndicat du crime gouverné par les gangs où la police ne pénètre pas".
Scott Wagers estime que la ville s’y prend mal et néglige l’accueil à court terme des SDF, malgré des efforts importants. Pour lui, la solution est de proposer un terrain où les sans-abri pourront "camper légalement" ou, mieux encore, un grand centre d’accueils financé par les multinationales installées dans la région. "S’ils donnaient 100 millions, ce n’est rien pour eux, le problème serait résolu pour de bon."