Premier épisode d'un procès qui s'annonce long et mouvementé. Luka Rocco Magnotta, surnommé "le dépeceur canadien" pour avoir tué et dépecé un étudiant chinois à Montréal en mai dernier, se retrouve devant le tribunal depuis lundi. C'est immobile et impassible que l'ancien acteur porno a assisté à une première audience qui a porté sur la présence des médias, que ses avocats veulent réduire à néant.
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Pas un geste, pas un mot. Le jeune homme de 30 ans s'est présenté lundi, encadré par les policiers, dans une tenue "virginale" : pantalon et tee-shirt blancs. Dans son box vitré, l'homme jugé pour meurtre avec préméditation, outrage à un cadavre, production, distribution et envoi de matériel obscène, ainsi que harcèlement envers le Premier ministre canadien, Stephen Harper, et d'autres membres du Parlement, a écouté les arguments de l'accusation. Pendant ces trois heures, Lukka Rocca Magnotta est resté sans faire un geste, les mains sur les genoux.
Une attitude surprenante au regard du profil du "dépeceur de Montréal", connu pour son "narcissisme effréné" et son goût de la notoriété - le jeune homme a notamment créé un site à sa gloire et publié de nombreuses vidéos et photos de lui sur Internet. L'apogée de cette mise en scène maladive de sa personne est connue de tous : la vidéo de son meurtre, intitulée "1 Lunatic, 1 Ice Pick", a été postée le 25 mai sur la page Facebook du tueur présumé.
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Magnotta reconnu comme fou ? Malgré ses éléments accablants dans le dossier de Luka Rocco Magnotta, ce dernier a décidé de plaider non coupable. Une décision qui permettrait selon les spécialistes de faire durer le procès pour jouir d'une importante médiatisation et de compliquer l'argumentation de l'accusation. Une ligne de défense qui permet surtout aux avocats de la défense de plaider son irresponsabilité pénale.
"Pour qu'il soit reconnu comme fou, il faudrait que la dimension psychotique et délirante soit au premier plan de sa personnalité, mais ça ne semble pas être son cas", estime Daniel Zagury, psychiatre expert auprès de la cour d'appel de Paris, interrogé par Le Point.
La tâche des journalistes compliquée. Quoi qu'il en soit, il sera difficile pour les journalistes de rapporter le contenu de ces échanges. Les débats sont en effet couverts par une ordonnance de non-publication en ce qui concerne les preuves présentées, ce qui limite strictement leur couverture médiatique. Les avocats de Magnotta, jugeant ces limitations insuffisantes, ont demandé que le public et les journalistes soient carrément bannis de la salle d'audience.
L'un d'entre eux, Me Luc Leclair, a soutenu en substance qu'une telle mesure contribuerait à assurer à son client un "procès juste" et que la présence du public et des médias risquait, au contraire, d'influencer négativement le jury. L'accusation et un avocat représentant les médias, Me Mark Bantey, ont en revanche jugé qu'une telle mesure serait excessive.
"Nous soutenons qu'une ordonnance de non-publication est amplement suffisante pour protéger les droits de l'accusé à un procès équitable et qu'il n'est pas nécessaire d'exclure le public ou les journalistes de la salle", a expliqué Me Bantey à l'issue de l'audience. "Au contraire il est essentiel que les journalistes et le public soient là pour examiner la procédure". La juge Lori Renée Weitzman doit rendre une décision sur ce point mardi matin.