Le pape François et le risque "Hollande"

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Charles Carrasco avec Maxime Switek , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Le nouveau pape peut vite devenir impopulaire, selon Odon Vallet.

"On peut comparer François Hollande et le pape François. On passe très vite de la popularité à l'impopularité". Selon Odon Vallet, spécialiste des religions, la "papamania" autour de nouveau souverain pontife pourrait rapidement tourner au vinaigre. Car si aujourd'hui, "il y a une nouvelle approche de la vie de l'Eglise : plus simple, plus pauvre, plus humble, plus accessible parce qu'il parle simplement", le risque d'impopularité n'est pas loin. Explications.

Se mettre la foule dans la poche. Le pape a pris un gros risque en surjouant sa proximité avec le "peuple". Car pour Odon Vallet, François "a été élu pour faire la réforme. Il y a deux réformes possibles : la minimale et la maximale. S'il choisit la maximale sur le fond –de la curie, de la transparence, de la gestion-, il faut que sur la forme, il soit très classique. Ce n'est pas le cas. S'il veut faire une réforme minimale sur le fond, il faut qu'il ait une forme extrêmement surprenante", détaille Odon Vallet. Selon ce spécialiste, le pape a trouvé un moyen ingénieux "de surmonter cette contradiction" : "se mettre la foule avec soi".

Une stratégie de communication. Durant les premiers jours de son pontificat, le pape a essentiellement été dans la séduction. "Il fait de la com' quand il tutoie les gens", affirme Odon Vallet. "Il joue un rôle, comme dans Shakespeare, acte II, scène 7, 'as you like it'. Le monde entier est une scène de théâtre et nous sommes les acteurs. Il est sur une scène de théâtre et il en fait", décrypte ce spécialiste des religions. Mais derrière, François, ce jésuite "très intelligent", a une stratégie bien précise. "Il sait que sa réforme va être douloureuse. Il sait qu'il va se faire énormément d'ennemis. Il cherche à avoir les foules catholiques, et non catholiques avec lui. C'est bien joué. Est-ce qu'il ne va pas trop loin ?", s'interroge Odon Vallet.

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Vers une désacralisation de la fonction ? Comme dans toutes fonctions politiques ou religieuses, il y a un risque de désenchantement, voire même de désacralisation du pouvoir. "Il a toujours dit : 'je suis l'évêque de Rome.' C'est vrai mais il est pape quand même. Son prédécesseur Benoît XVI a viré 80 évêques pour toutes sortes de problèmes. Lui aussi sera obligé de virer des gens. Si votre patron vous vire, vous n'allez pas lui faire un gros bisous. Il faut savoir que quand le pape vire les gens, il n'y a pas de recours. Il va être obligé de faire le méchant. Il faut qu'il s'y prépare", avertit Odon Vallet.

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Un Premier ministre pour faire "le sale boulot". Pour lancer les grands chantiers de l'Eglise, le pape va nommer un secrétaire d'Etat. "Il faut que ce soit un homme –un peu comme le Premier ministre en France- qui fasse le sale boulot. En France, c'est lui qui a tous les ennuis pour préserver le président de la République. François devra prendre quelqu'un qui sera le punching ball, qui sera détesté et qui lui épargnera toutes les éclaboussures de ce sale boulot", préconise Odon Vallet.*

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Un pape de "centre-gauche". Sur le fond, aucune révolution n'est attendue. "Il ne va rien réformer. Il n'y aura pas de prêtres mariés dans l'immédiat. Il n'y aura pas de femmes prêtres. Peut-être à la rigueur pour les divorcés remariés, on sera un peu plus gentils pour l'accès aux sacrements", prédit Odon Vallet. En revanche, c'est sur le plan social que le pape sera le plus attendu : "c'est un homme de progrès, de centre-gauche. Ce n'est pas un révolutionnaire mais c'est un réformateur".