L’Argentine joue les prolongations. On disait "le match" perdu, mais l’Argentine a trouvé un moyen de jouer les prolongations. Dans son litige qui l'oppose à deux fonds spéculatifs, le parlement a en effet voté une loi qui permet à l’Etat de ne pas rembourser en priorité les fonds d’investissements, qualifiés de "fonds vautours" par le gouvernement de Christina Kirchner, qui lui réclament 1,3 milliard de dollars depuis plusieurs années.
La dette avait pourtant été restructurée. En effet, depuis la terrible crise des années 2000, dont le pays était sorti avec un défaut de paiement et une dette de 100 milliards de dollars, l’Argentine a subi de nombreuses restructurations, acceptées par 93% des créanciers. A tel point qu’en 2012, elle ne devait plus que 539 millions de dollars.
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Mais les "fonds vautours" spéculent à la hausse. Mais entre temps, deux fonds d’investissements ont racheté ce qu’il restait de dette souveraine (les bons de créance émis par les Etats quand ils contractent une dette, ndlr) aux 7% des créanciers restant qui n’ont pas accepté la restructuration. Le tout alors que la valeur de ces bons de créance est au plus bas. Elliot Management et Aurelius, du nom des deux fonds qui ont "investi" dans la dette argentine, refusent alors d’étaler les paiements et réclament un remboursement à hauteur de la valeur initiale des bons. En résumé, ils rachètent des titres alors que leur valeur s'est effondrée et demandent remboursement à sa valeur initiale, largement supérieure.
Des plus-values en dizaines de millions de dollars. Sur son blog du Figaro, le journaliste Patrick Bèle estime qu’Elliot Management réclame 225 millions de dollars de remboursement alors qu’il a acheté ces titres pour 35 millions. Une technique déjà utilisée par Elliot Management dans les années 90 au Pérou (35 millions de dollars de bénéfices) et au Congo (62 millions de dollars de bénéfices).
Désobéissance financière. Face à ces pratiques, l’Argentine refuse de régler sa dette à ces fonds spéculatifs. Et pour cause, une clause appelée clause Rufo, inscrite dans les accords avec tous les autres créanciers, précise qu’aucun remboursement extérieur ne doit se faire à des conditions plus favorables pour un créancier en particulier. Dans le cas contraire, l’Argentine doit appliquer ces conditions à tous les créanciers. Si l’Etat cède face aux fonds d’investissements, il devra donc également rembourser au taux initial tous les créanciers qui ont accepté la restructuration.
La justice américaine s’en mêle. Les titres de créances ayant été émis à New York à l'époque, l’affaire est donc portée devant la justice américaine. De recours en recours, la Cour Suprême statue finalement sur le cas argentin, et donne raison à Elliot Management et Aurelius en juillet 2012. Depuis le verdict, Christina Kirchner, le chef d’Etat, a tenté plusieurs manœuvres pour contourner cette décision. Dernière en date, ce vote au Parlement qui autorise désormais l’Etat à rembourser sa dette ailleurs qu’aux Etats-Unis. Une loi qui permet donc à l’Argentine de rembourser ses autres créanciers sans donner satisfaction aux fonds d’investissements. Et qui lui évite de devoir payer des intérêts supplémentaires : 200 millions de dollars tout de même.