L’INTERVIEW. En 2002, le prince Moulay Hicham a quitté son pays, où règne Mohammed VI, son cousin. Engagé pour la démocratisation du Maroc, le "prince rouge", comme la presse le surnomme, publie aujourd’hui Journal d’un prince banni. Il remet en cause les fondements même du système monarchique.
La vie de palais s'est arrêtée pour vous en 1999, à la mort d'Hassan II. Qu'avez-vous dit à Mohammed VI pour qu'il vous mette sur la touche ?
Moulay Hicham Al Alaoui : "J'étais déjà sur la touche politiquement et du point de vue protocolaire. Je parlais sans doute trop. Dans cette région du monde, un prince a un devoir de réserve : moi, j'ai choisi d'être un intellectuel, indépendant, qui dit son opinion. C'était le prix à payer.
Moulay Hicham sur Europe 1 :
Que faut-il changer d'urgence au Maroc ?
Ce qui ne va pas, c'est essentiellement la coexistence de deux systèmes. Nous avons la monarchie de droit divin et le despotisme oriental qui ont fusionné et qui coexistent, à côté d'institutions qui aspirent à la démocratie. Qui y perd dans ce système ? Le Maroc, les Marocains et la monarchie. A terme, ce système n'est pas soutenable et il y aura une crise ouverte.
La monarchie marocaine est-elle condamnée ?
Je pense qu'elle a un rôle à jouer, qu'elle est enracinée dans la culture marocaine. Mais on peut envisager un passage à la monarchie constitutionnelle à l'Européenne, un peu comme l'Angleterre ou l'Espagne, mais à notre manière, avec discussions, débats ...
On a pourtant senti un souffle de démocratie avec le Printemps arabe.
C'est un grand gâchis du point de vue des institutions ! On a commencé quelque chose de timide et on s'est arrêté au milieu du gué.
Pourtant, le système monarchique semble convenir au Maroc, qui est un des rares pays stables de la région.
Je rappelle que la Tunisie est en voie de réussir sa transition ! On dit que c'est stable jusqu'au jour où il y a un problème, et ensuite on se dit qu'on n'avait pas vu quelque chose. Le régime du Chah d'Iran était très stable jusqu'en 1979...
Je compare les effets d'optique, le sentiment de fausse stabilité ! Beaucoup de choses sont à la surface : les diplomates, les journalistes complaisants, ne veulent pas gratter.
Vous publiez Journal d’un prince banni. Êtes-vous guidé par le regret de celui qui aurait pu être roi ?
Je ne vais pas passer ma vie à me justifier. Dans notre culture, quand on veut intriguer, on le fait à l'intérieur du palais ! Il y a un savoir-faire pour être courtisan qui y est amplement développé. C'est une critique un peu caricaturale. Mais je ne me priverai pas un jour de faire une contribution à la vie publique du pays !"
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