Le retour d'Hitler ne fait pas rire tous les Allemands

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Un livre humoristique imaginant son retour en 2011 rencontre un succès polémique en Allemagne.

• L’INFO. On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Ainsi, l’Allemagne peut-elle se divertir avec Adolf Hitler, figure honnie outre-Rhin ? La question est posée avec le succès du livre  Il est de nouveau là, œuvre polémique du journaliste Timur Vermes. Ce dernier y raconte avec humour l’improbable retour d’Adolf Hitler au XXIe siècle et rencontre un succès grandissant. Alors, l’Allemagne s’interroge.

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© EICHBORN

C’est quoi l’histoire ? Celle, surréaliste, d’un Adolf Hitler se réveillant soudainement en 2011 sur un terrain vague de Berlin sans avoir la moindre idée de ce qui lui est arrivé depuis 1945. Il tente bien de retrouver son bunker mais les passants le prennent pour un acteur de film historique. Sans pouvoir et déboussolé par une Allemagne devenue multiculturelle et gouvernée par une femme, cet Adolf Hitler-là rebondit en devenant une star médiatique sur Internet puis enchaine les plateaux télévisés. Une chronique de la société du spectacle saturée d’humour noir, notamment lorsque le dictateur s'interroge sur "l'absence total du salut allemand", le célèbre bras levé des nazis.

Un succès qui dérange en Allemagne. Publié en septembre 2012, l’ouvrage de 396 pages a été imprimé à 360.000 exemplaires et est rentré début 2013 dans la liste des meilleures ventes outre-Rhin. Un succès inattendu pour une maison d'édition Eichborn Verlag, qui vient d'être rachetée. Résultat, Il est de nouveau là est promis à une carrière internationale : une traduction en quinze langues, dont le français et l’anglais, est déjà prévue. Détail pas si anodin : le prix affiché outre-Rhin est de 19.33 euros, comme la date d’accession des nazis au pouvoir.

Ce qu’en disent les médias allemands. Il est de nouveau là est "la dernière excroissance d'une machine de commercialisation d'Hitler qui brise tous les tabous pour faire de l'argent", dénonce l'hebdomadaire Stern. Bon public, le magazine Der Spiegel y voit surtout une énième parodie sur Hitler peu subtil mais qui vaut le détour pour son analyse des médias. Plus critique, le quotidien Süddeutsche Zeitung le décrit comme fastidieux à lire malgré son ton décalé. Puis, renvoyant dos-à-dos les partisans de l’humour et les défenseurs de la mémoire, le journal estime que "cette fixation sur Hitler, soit comme figure comique soit comme incarnation du mal, fait courir le risque de voir les faits historiques s’estomper".

Pourquoi le sujet fait polémique. Pendant six ans, le journaliste Daniel Erk a tenu pour le quotidien Tageszeitungun blog parodique, Hitler-blog, où il a rassemblé et commenté les blagues, les références au nazisme et même les publicités représentant Hitler. Ce dernier résume le mieux l’ambiguïté de la situation en voyant derrière ce succès une "banalisation du mal". Pour sa défense, son auteur affirme que les Allemands ont "trop souvent l'attitude de refus des gens qui ne conçoivent Hitler que comme un monstre pour se sentir mieux. (…) Or je trouvais important de montrer comment il fonctionnait et comment il agirait aujourd'hui".