L’effervescence citoyenne continue au Maroc. A la veille du référendum sur le projet de réforme de la constitution proposé par le roi Mohammed VI, la mobilisation se poursuit pour réclamer des changements en profondeur de la société marocaine.
Le souhait de certains d'une véritable monarchie parlementaire, à l'image du voisin espagnol reste l’un des plus grands espoirs. "Le projet de réforme constitutionnelle est une avancée", souligne Hassan Tariq, membre de l’Union socialiste des forces populaires, USFP. "C’est un premier pas sur le chemin de la construction d’une monarchie parlementaire. Il incarne un progrès et il faut voter pour ", plaide le militant de l’USFP.
"Le Maroc a vécu une transition démocratique dans les années 90. Il y a eu une phase d’alternance qui n’a pas abouti à la normalisation de la vie publique. C’est l’occasion de reprendre l’agenda démocratique et c’est aussi une seconde chance afin de faire de la transition démocratique marocaine un exemple dans le contexte arabe", conclut Hassan Tariq.
Des médecins "tabassés" par les forces de l'ordre
Pour Mounia, médecin à Rabat, le choix est fait. "Je vais voter oui à la réforme constitutionnelle", affirme-t-elle. "Je n'ai rien contre notre roi mais si le pouvoir tombait dans d'autres mains je craindrais fort pour le Maroc", poursuit-elle. Pour elle, les attentes sont essentiellement professionnelles. Cette jeune médecin espère une "amélioration des conditions de travail des hôpitaux publics" mais aussi "la reconnaissance du doctorat en médecine comme doctorat national" et une "meilleure rémunération des gardes" actuellement payées 15 euros.
"A l'issue de plusieurs semaines de grève et de sit-in, une marche pacifique de blouses blanches s’est déroulée le 25 mai dernier mais les médecins ont été tabassés par les forces de l'ordre", regrette Mounia en soulignant un bilan trop lourd fait de "fractures, traumas crâniens". "Des discussions ont été amorcées mais pour l’instant nous n’avons rien obtenu de concret", déplore le médecin avant d’évoquer une reprise des grèves en septembre.
"Les médecins ont été tabassés par les forces de l'ordre" :
"La marche de l’histoire démocratique mondiale"
Omar Balafrej, lui ira voter "non" vendredi. Sur son blog, le président de la Fondation Abderrahim Bouabid, qui se donne pour mission de contribuer au débat public sur les grands problèmes de société, estime que "le Maroc ne peut pas rester en dehors de la marche de l’histoire démocratique mondiale".
"Le Maroc est un pays pauvre et fortement inégalitaire", écrit-il. "À tous les feux rouges, des enfants quémandent une pièce auprès de carrosses qui représentent parfois plus de cent ans de SMIG! On meurt encore à l’hôpital public par manque d’équipements standards, comme le décrit si bien le médecin blogeur Zaari Jabiri! Dans les écoles publiques de nos quartiers populaires, les enfants sont souvent plus de 50 par classe!", poursuit Omar Balafrej.
"Je crois profondément à l’intelligence collective qui peut émaner d’un système démocratique", souligne-t-il. "Je ne crois pas aux miracles, mais à la confrontation d’idées et de projets issus de mouvements politiques capables de les mettre en œuvre au sein d’une vraie monarchie parlementaire", conclut-il.
Les droits fondamentaux "négligés"
Pour l’Association marocaine des droits humains qui a boycotté la commission consultative pour la réforme de la constitution, mise en place par le roi en mars, l’analyse n’est pas très éloignée. "Le projet est loin de répondre aux exigences des droits fondamentaux que sont la liberté, l’égalité, la dignité", déplore la présidente de l’association, Khadija Ryadi, en soulignant que son ONG n’avait pas vocation à donner des consignes de vote.
"Nous réclamons une véritable constitution démocratique où le gouvernement serait le seul détenteur du pouvoir exécutif, que le Parlement ait tous les pouvoirs législatifs et un pouvoir judiciaire indépendant. Il faut qu’il y ait une régionalisation dans le respect de la diversité culturelle", poursuit Khadija Ryadi. "Une constitution doit être démocratique dans la démarche, le contenu et dans la façon de la voter", conclut-elle.
L'appel au boycott de "la farce référendaire"
Des reformes profondes que réclament aussi les membres du collectif Mamfakinch, relais sur Internet du Mouvement du 20 février. Un appel au boycott du référendum du 1er juillet baptisé "Mamsawtich !" (Nous ne voterons pas ! NDLR) a été lancé sur Youtube mais aussi sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Dans un clip vidéo d’une minute quarante et une, Marocains et Marocaines expliquent simplement pourquoi cette "farce référendaire" ne leur "garantira jamais leurs droits".
"La constitution ne parle pas de nous" :
Mamsawtich réclame "une assemblée constituante élue par le peuple" pour élaborer une nouvelle constitution.