"Couvrez ce sein que je ne saurais voir". Loin, très loin du Tartuffe de Molière, ce message est en substance celui que les autorités religieuses iraniennes ont adressé à la comédienne Golshifteh Farahani. Exilée à Paris depuis 2009, elle est désormais bannie de son pays natal pour avoir osé montrer un sein dans un clip vidéo pour l'Académie des Césars, selon le journal britannique The Telegraph.
"J'ai été avertie par un responsable du ministère de la Culture et de la guidance islamique que l'Iran n'avait plus besoin d'acteurs et d'artistes", a indiqué au Telegraph Golshifteh Farahani. "Vous pouvez offrir vos services artistiques ailleurs", a-t-il ajouté selon la comédienne.
Tout est parti d'un simple cliché en noir et blanc publié dans le magazine Figaro Madame. Golshifteh Farahani pose nue, les mains posées sur la poitrine. Mais, la photo dont la valeur n'était que purement artistique au départ, est devenue, à son corps défendant, un acte politique. Reprise sur le réseau social Facebook, elle s'est transformée en symbole de révolte contre le rigorisme iranien.
La "publication sur Internet de photos de la déplorable Golshifteh Farahani montre la face cachée et dégoûtante du cinéma", ont alors immédiatement réagi les autorités iraniennes par la voie de l'agence Fars News.
"De vos rêves, je serai la chair"
Golshifteh Farahani, l'héroïne du film A propos d'Elly, a réitéré son geste mais dans une vidéo intitulée Corps et âmes. Devant la caméra de Jean-Baptiste Mondino, la jeune femme de 29 ans, se déshabille aux côtés de 30 comédiens, tous nominés pour le César 2012 du meilleur espoir. "De vos rêves, je serai la chair", dit la comédienne en dévoilant un sein.
Le film, en noir et blanc, dure 90 secondes :
Depuis quelques années, Golshifteh Farahani est devenue la coqueluche du cinéma iranien mais aussi d'Hollywood. En 2008, la jeune comédienne campait le personnage d'une infirmière dans Mensonges d'Etat aux côtés de Leonardo DiCaprio et de Russell Crowe.
Une comédienne trop subversive ?
Les Ayatollahs craignent-ils que l'étoile montante du cinéma ne soit trop subversive ? Si l'on en juge par le nombre de messages postés sur la page Facebook de Golshifteh Farahani, la comédienne ne laisse pas indifférent. Certains adhèrent, d'autres condamnent.
"Golshifteh Farahani fait ce qu'elle veut de son corps, notamment dans un État de droit comme la France. Mais si le message s'inscrit dans un cadre politique, il ne sert pas la cause des femmes en Iran" analyse la sociologue Azadeh Kian, auteure de L'Iran : un mouvement sans révolution ?, dans l'hebdomadaire Le Point. Il pourrait même se révéler contre-productif en servant de justification aux "politiques moralisatrices" des autorités.