Il a tenté d'apaiser les tensions, une mission visiblement difficile. Invité d'Europe 1 vendredi, Jean-Marc Ayrault a tenu à clarifier les choses et a assuré que la France et l'Allemagne devaient trouver, "main dans la main, une solution pour sortir l'Europe de la crise", en passant par un "dialogue plus fort que ce qui a eu lieu jusqu'à présent". Jean-Marc Ayrault s'est même adressé à la chancelière directement, en allemand, affirmant : "nous avons la responsabilité commune de donner un avenir à l'Europe".
Des propos conciliants après un échange d'amabilités plutôt musclé jeudi entre Paris et Berlin : Angela Merkel avait prévenu que Berlin ne se satisferait pas de "solution de facilité" et de la "médiocrité" dans les recettes mises en œuvre pour contrer la crise. Ce à quoi Jean-Marc Ayrault avait rétorqué : "la situation de l'Europe est suffisamment critique pour ne pas se laisser aller à des formes simplistes".
"Aveuglement idéologique"
Vendredi, Angela Merkel a remis de l'huile sur le feu en déplorant un "manque de confiance entre les acteurs" de la zone euro, rejetant une nouvelle fois l'idée des euro-obligations et avertissant : "la médiocrité ne doit pas devenir l'étalon".
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, y est aussi allé de sa petite attaque, accusant la chancelière allemande "d'aveuglement idéologique". "L'austérité imposée par la politique idéologique de la droite allemande est un énorme problème, puisque c'est cette politique qui a conduit en récession sept pays de la zone euro sur 17", a-t-il estimé.
Venant d'Arnaud Montebourg, connu pour ses positions parfois peu favorables à l'Allemagne, une telle sortie n'est pas étonnante. Mais les propos de Jean-Marc Ayrault, germanophile, le sont plus. Signe que la tension monte entre la France et l'Allemagne : depuis le début de son quinquennat, François Hollande s'affiche notamment ouvertement avec Mario Monti, comme il l'a encore fait jeudi.
Pas de front anti-Merkel, assure Ayrault
Le chef de l'Etat défend aussi l'Espagne et la Grèce, et aborde la question qui fâche, celle des eurobonds. De quoi donner l'impression qu'il marginalise Berlin et tente de créer un axe méditerranéen.
Jean-Marc Ayrault a cependant démenti sur Europe 1 toute idée de coalition anti-Merkel : "ce serait une mauvaise voie. Ce n'est absolument pas ma position, et ce n'est pas celle de la France". Isoler la chancelière serait même, selon lui, une "grave faute politique". Mais il a tout de même indiqué qu'il avait rencontré des ténors du parti social-démocrate (SPD) allemand.
Un discours destiné aux Etats-Unis ?
Vu du côté allemand, cet échange un peu musclé interpelle donc. Les propos d'Angela Merkel sont à replacer dans le discours plus large qu'elle a prononcé devant les députés allemands pour présenter la position qu'elle entend défendre au G20, la semaine prochaine.
Dans ce discours qui balayait large, des piques étaient certes destinées aux Européens, mais aussi, et peut-être un peu plus, aux Américains. Outre-Rhin, certains ne comprennent tout simplement pas à quoi Jean-Marc Ayrault faisait allusion en parlant de "formes simplistes", lui qui a un solide bagage franco-allemand.
Reste que le climat est tendu entre les deux pays moteurs de l'Europe. Pour le prochain sommet européen, prévu dans 13 jours, les deux partenaires historiques risquent bien d'arriver à Bruxelles sans texte commun, pour la première fois depuis 2000.