Législatives en Grèce : un vote crucial scruté par l'Europe

© LOUISA GOULIAMAKI/AFP
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TOURNANT ? - Annoncé vainqueur des législatives de dimanche, Syriza, le parti grec anti-austérité, pourrait permettre à la gauche radicale de prendre le pouvoir. 

C'est à Athènes que tout avait commencé. C'est là que la Grèce avait initié le mouvement européen en 2010 : un mouvement vers plus d'austérité pour répondre à la "crise de la dette" qui frappait alors les Etats. Cinq ans après, assistera-t-on au retour de bâton au terme des élections législatives anticipées qui se tiennent dimanche dans tout le pays ?

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Il n'est pas impossible que la Grèce passe de l'austérité menée par les conservateurs à une politique de relance. En tout cas, si le résultat confirme les estimations des sondages, Syriza, le parti de la gauche radicale, annoncé vainqueur avec 30% des suffrages par l'enquête Palmos Analysis, pourrait prendre le pouvoir et appliquer son programme anti-austérité.

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Sortir d'une impasse institutionnelle

Les Grecs ne sont pas appelés aux urnes pour des élections législatives anticipées par hasard. Ce scrutin a d'abord un but : sortir les institutions de l'impasse dans laquelle elles se trouvent depuis le 29 décembre dernier. Ce jour-là, le Parlement était chargé d'élire le président de la République. Pour ce faire, les 300 députés de l'hémicycle devaient être au moins 180 à désigner le même candidat. Maus Stavros Dimas, le favori soutenu par Nouvelle Démocratie (parti conservateur) et ses alliés, n'a pas réussi à réunir les voix nécessaires (il n'a obtenu que 168 voix, ndlr).  

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Conséquence de cet échec, le Parlement est dissous mécaniquement dix jours plus tard. Et le Premier ministre, Antonis Samaras, du parti Nouvelle Démocratie, annonce la tenue d 'élections législatives anticipées le 25 janvier. L'objectif du scrutin est clair : il s'agit pour les Grecs de dessiner une majorité plus affirmée au parlement, qui serait ensuite capable de désigner un président. Et de sortir la Grèce de l'impasse politique.

Changer (ou non) de cap économique

Et pour ce faire,  les Grecs semblent avoir placé leurs espoirs en Syriza, littéralement "coalition de la gauche radicale" en grec. Une formation politique née sur les ruines économiques du pays, et qui bénéficie d'une popularité grandissante depuis le lancement du premier plan d'austérité en 2010. A sa tête, Alexis Tsipras, jeune leader charismatique, dont le programme socio-économique se situe aux antipodes de la cure d'austérité appliquée par Samaras et le parti conservateur actuellement. 

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Parmi les mesures principales du programme de Syriza, une hausse du salaire minimum, l'annulation pure et simple des deux-tiers de la dette publique, des aides aux retraités, la levée du plafond d'imposition à 12.000 euros de revenus actuels contre 5.000 aujourd'hui. La victoire de Syriza marquerait l'avènement d'une autre politique, très critique vis-à-vis des plans d'austérité exigés par la troïka (Commission Européenne, BCE et FMI) en échange des fonds débloqués pour sauver l'Etat grec.  

Les résultats économiques désastreux de la cure d'austérité sans précédent en Grèce ont renforcé peu à peu la crédibilité de Syriza.

Ce graphique montre par exemple que la dette grecque, qui représentait 130% du PIB en 2010, est passée depuis à 175%. 

Plaire (ou pas) à la troïka et aux marchés

L'autre enjeu de l'élection, directement lié à la performance de Syriza, concerne l'Union Européenne et les acteurs des marchés. Suivant les résultats, ils risquent de réagir plus ou moins favorablement, entraînant une hausse, un maintien, ou une chute du cours des emprunts grecs. Bien qu'Alexis Tsipras rappelle régulièrement qu'il ne souhaite pas une sortie de la zone euro, lors de la dissolution du Parlement le 29 décembre dernier, le cours de la bourse d'Athènes a chuté de 4% avec un pic à -11%. Le président de la banque centrale grecque a tiré la sonnette d'alarme, affirmant que la crise a pris des dimensions préoccupantes, et que la liquidité (le volume des échanges, ndlr) sur les marchés financiers décroît à un rythme rapide, entraînant un risque de dégâts irréparables pour la Grèce."

Côté européen, les craintes sont partagées. jean-Claude Junker, président de la Commission Européenne, s'est inquiété de "l'arrivée des forces extrêmes au pouvoir", avant d'affirmer qu'il espérait "revoir des visages familiers (celui de Samaras, l'actuel Premier ministre conservateur, ndlr) après les élections". Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, a salué "le travail accompli par les autorités grecques" jusqu'ici, encourageant le pays à poursuivre sur cette voie.

Logiquement, le parti conservateur Démocratie Nouvelle utilise ces craintes comme une arme électorale. Les leaders de la formation martèlent qu'ils sont les seuls à même de maintenir les cours et de ne pas affoler la bourse. Reste à savoir si les électeurs seront sensibles à ces arguments.

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Inspirer d'autres pays européens

Dernier enjeu de l'élection, et pas des moindres, l'onde de choc politique et symbolique qu'entraînerait dans toute l'Europe une victoire de Syriza. En effet, les partis d'opposition à l'austérité fleurissent sur le Vieux continent, particulièrement dans les pays du sud, les plus touchés par la baisse des investissements publics dans les services. Parmi ces formations, Podemos, collectif espagnol, caracole en tête des sondages, un an à peine après sa création. "2015 sera l'année du changement en Espagne et en Europe. Ça commencera par la Grèce. en avant Alexis !" a ainsi déclaré Pablo Iglesias, le leader de Podemos après l'annonce de la tenue d'élections en Grèce. "Le 25 janvier, ce n'est pas une page qui se tourne, c'est un nouveau livre qui s'écrit", a renchérit Alexis Tsipras sous un tonnerre d'applaudissements lors d'un meeting archi-comble de Syriza à Athènes.  Dimanche, on saura si Alexis Tsipras sera l'un des protagonistes de ce nouveau roman.