L’INFO. En Algérie, la campagne doit durer encore une petite semaine avant l’ouverture des bureaux de vote. Le président sortant, Abdelaziz Bouteflika, très malade, ne semble plus en état de faire campagne, ni même de diriger un pays. Et pourtant, à 77 ans, il brigue un quatrième mandat dans un pays où la liberté d’expression est réduite. En France, la campagne se déroule dans un autre climat et dès samedi, les 800.000 Algériens de l’Hexagone ont commencé à voter.
>> Europe 1 est allé prendre le pouls de la campagne dans le nord de Paris.
Les militants de Benflis s’en donnent à cœur joie. Une échelle en métal qui mène au sommet d’un échafaudage, c'est parfait pour que Mohammed y déploie une banderole avec la photo de son candidat. "Tout en haut, là, tout en haut !, montre-t-il. On grimpe et on déploie l’affiche : c’est le jeu de la démocratie", explique-t-il avec un air d’évidence. Mais Mohammed s’empresse d’admettre qu’il lui serait impossible de faire de même en Algérie.Et pour cause, il soutient Ali Benflis, ancien Premier ministre d’Abdelaziz Bouteflika et son principal opposant.
Ahmed milite également pour Benflis, ce qui inquiète son fils à Alger. Quand il l’a eu au téléphone et lui a dit qu’il militait pour l’opposant à Bouteflika, "il m’a dit ‘Papa, fais attention à toi’. Il s’est peut-être dit que ça allait se passer comme ça se passe là-bas", raconte Ahmed.
Régulièrement, des manifestations anti-Bouteflika sont réprimées. "Là bas, vous n’avez pas droit à la parole. Si vous parlez trop, on vous écrase", explique Ahmed. Un autre homme semble bien savoir ce qu’il risquerait dans son pays : "Si en Algérie, j’attaquais les membres de la campagne de Bouteflika comme je viens de le faire, je serai envoyé à l’hôpital en trois mois".
"Si Bouteflika s’exprime, nous pourrions envisager de voter pour lui". A Paris, des militants critiquent le président sortant jusque devant son QG de campagne. "Ce n’est pas sa photo !, s’amuse un homme. Toutes les photos qu’ils ont utilisées, c’est du blabla. Il ne peut même pas bouger !", s’énerve-t-il.
Très malade, Bouteflika a fait une campagne fantôme. Depuis le début de la campagne, le président n’a pas fait un seul discours. Dans le camp des pro-Bouteflika à Paris, un responsable lui-même l’admet : "Est-ce que M. Bouteflika a fait une bonne campagne ? Non. M. Bouteflika est malade". Mais selon lui, le président n’a pas besoin de s’exprimer pour être un homme politique digne de ce nom et pour gagner.
Certains jeunes Algériens s’en amusent et lancent un défi à Bouteflika : "S’il s’exprime ne serait-ce qu’une minute à la télévision, nous pourrions même voter pour lui !" En 2004 déjà, le camp Benflis avait perdu les élections et le même scénario semble se profiler cette année.
"Il est trop vieux, mais est-ce qu'on a trouvé mieux que lui ?" Au consulat d'Algérie de Seine-Saint-Denis, où 91.632 Algériens, le plus fort corps électoral de France, sont appelés aux urnes, le ton est plus nuancé et résigné. "Même s'il est vieux et malade, il apaise et fait du bien au pays", affirme un ancien ouvrier du BTP arrivé en France à 18 ans. "Il est trop vieux, mais est-ce qu'on a trouvé mieux que lui ?", interroge de son côté Halima, 51 ans. "Depuis qu'il est là, la situation du pays n'a fait que s'améliorer".
"Le match est joué dans les vestiaires", lâche, plus critique, Karim 28 ans, venu voter à Nanterre. Kamel, 37 ans, acquiesce, blasé lui aussi: "En trois mandats, Bouteflika n'a rien fait. Regardez ce qu'a réussi à faire le Premier ministre turc en 10 ans ! Il faut passer le flambeau aux jeunes".
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