Soixante-huit ans après le massacre de 642 civils par un régiment SS à Oradour-sur-Glane, un procureur et un commissaire allemands sont venus enquêter mardi dans le village-martyr de Haute-Vienne, une première vécue localement comme un symbole fort.
Un accès discret, loin des regards. Dans le cadre de l'instruction menée pour "crimes de guerre", "les autorités judiciaires allemandes agissant dans le cadre d'une demande d'entraide pénale internationale", se sont rendues sur le site d'Oradour dans la matinée, a annoncé un communiqué du parquet de Limoges, dont le procureur était aussi sur place. Les enquêteurs sont entrés dans le village-martyr au niveau du cimetière, près de l'église. Un accès discret loin des regards des quelque 2.000 habitants de la commune d'Oradour. A l'entrée du site, deux gendarmes tenaient les journalistes à distance pendant que des enquêteurs de la section de Recherches de la gendarmerie et de la brigade de Saint-Junien procédaient aux investigations.
Trouver des éléments de preuve. Pour les enquêteurs, il s'agissait de "trouver des éléments de preuve supplémentaires, faire des constatations sur place", a indiqué en Allemagne le procureur de Dortmund, Andreas Brendel. En particulier "voir à Oradour où étaient déployées les différentes unités. Dans l'ex-Allemagne de l'Ouest, plusieurs enquêtes menées sur le massacre avaient été classées faute de preuves. Mais fin 2010, des documents de l'ex-RDA avaient convaincu la justice allemande de rouvrir une enquête, avec pour horizon hypothétique un procès de six suspects âgés aujourd'hui d'environ 86-87 ans.
Le plus grand massacre de civils en France.A peine majeurs à l'époque, ils faisaient partie du régiment Der Führer de la division blindée SS Das Reich, qui s'est rendue coupable ce 10 juin 1944 du plus grand massacre de civils en France par les armées hitlériennes. Ces soldats avaient exécuté 642 civils à Oradour, puis ont rasé et incendié le village. Parmi les victimes, 400 femmes et enfants avaient été massacrés après avoir été rassemblés dans l'église. Six habitants avaient survécu, dont deux sont toujours en vie.
Vers un procès en Allemagne ? En France en 1953, le tribunal militaire de Bordeaux avait jugé 21 soldats pour leur participation présumée au massacre, dont 14 Français d'Alsace enrôlés de force dans l'armée allemande et sept Allemands. Des condamnations à mort furent prononcées, puis commuées. Les Français furent amnistiés au nom de la réconciliation nationale. Le procureur Brendel souhaite qu'une décision sur un éventuel procès en Allemagne soit "une question de mois", avant la fin 2013. "Cela dépendra en partie des éléments qu'on va pouvoir rassembler en France", a-t-il dit.
Un nouvel état d'esprit allemand. "A ma connaissance c'est la première fois que les autorités judiciaires allemandes se déplacent" à Oradour, a indiqué, pour sa part, Guy Perlier, historien limousin spécialiste de la déportation. "C'est révélateur d'un état d'esprit allemand qui tient absolument à faire la lumière sur toutes les exactions commises par l'armée allemande pendant cette période", a-t-il conclu.