La Tunisie a décidé de rapidement tourner la page de l’ère Ben Ali : l'ex-président tunisien Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi ont écopé lundi d’une première condamnation par contumace à 35 ans de prison chacun. Ce verdict n'est que le premier d'une longue série de procès.
Poursuivis pour détournement de fonds publics, Zine El Abidine Ben et son épouse ont par ailleurs été condamnés par la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis à des amendes de 50 millions de dinars, soit 25 millions d'euros, pour l'ex-homme fort tunisien et de 41 millions de dinars, soit 20,5 millions d'euros, pour son épouse.
Ni Zine El Abidine Ben Ali, qui s'était réfugié en Arabie saoudite le 14 janvier dernier, chassé par une révolte populaire inédite qui a mis fin à un règne de 23 ans, ni son épouse qui a fui avec lui, n'ont pas assisté à ce premier procès.
Premier volet : de l’argent détourné
La première affaire mettait en cause le couple pour accaparement et détournement de fonds publics, après la découverte de quantités faramineuses d'argent et de bijoux de prix dans un palais de Sidi Bou Said, dans la banlieue chic au nord de Tunis.
La télévision publique avait montré d'imposantes liasses de dinars tunisiens et de devises étrangères empilées dans un énorme coffre, évoquant des images de "caverne d'Ali Baba". Le procureur a demandé "les peines les plus sévères pour ceux qui ont trahi la confiance et volé l'argent du peuple pour leur gain personnel", avant de martelé : "ils n'ont pas arrêté de voler durant 23 ans".
Deuxième volet : de la drogue et des armes
Dans la seconde affaire, seul le président déchu Ben Ali est visé. Elle a trait à la découverte dans le palais présidentiel de Carthage de 1,8 kg de drogues et d'armes. L'ex-président avait rejeté en bloc par avance toutes ces accusations par le truchement de son avocat libanais Me Akram Azouri.
Un autre procès portant sur une autre affaire a été reporté au 30 juin prochain, afin de permettre aux avocats commis d'office de préparer la défense de l'ex-président.
La suite : atteinte à la sûreté de l'Etat et homicides volontaires
Plusieurs centaines de manifestants, dont certains réclamaient la peine de mort, se sont rassemblés devant le palais de justice pour demander que l'ancien président soit ramené dans son pays. "Pourquoi ont-ils commencé avec le procès pour les drogues, les armes et l'argent volé ?", a demandé une femme. "Pourquoi n'ont-ils pas commencé par le procès pour le meurtre de centaines de personnes ?"
Ben Ali doit en effet être par ailleurs jugé par un tribunal militaire pour atteinte à la sûreté de l'Etat et homicides volontaires. Plusieurs centaines de manifestants ont été tués par les forces de l'ordre durant les trois semaines de contestation.
Dans un communiqué publié lundi, ses avocats contestent la responsabilité de Ben Ali dans ces événements. "Il n'a pas donné l'ordre de tirer sur les manifestants et cela peut être prouvé par les contacts entre la présidence, le ministère de l'Intérieur et les différents ministères, qui sont enregistrés", écrivent-ils.
"Ce n'est pas de la justice", selon l'avocat de Ben Ali
L'avocat libanais de Ben Ali a dénoncé une parodie de justice après la condamnation de son client à 35 ans de prison. "C'est une plaisanterie, ce n'est pas de la justice", regrette Akram Azouri joint par Europe 1. "Le président n'a pas eu le droit à son défenseur. Il n'a pas eu le droit à la communication des charges qui lui étaient appliquées. Il a été condamné à 35 ans de prison pour des devises étrangères trouvées à son domicile deux mois après son départ", déplore-t-il.
A la question de savoir si Ben Ali irait en prison, l'avocat de l'ancien président tunisien est catégorique. "Sur la base de ce jugement, certainement pas. Monsieur Ben Ali peut rentrer demain en France et toute demande d'extradition sera refusée par vos tribunaux qui ne vont pas jamais reconnaître ce jugement", affirme Akram Azouri.