L’exécution de James Foley "a choqué les consciences", a déclaré Barack Obama peu après la publication d’une vidéo qui montre un membre de l’Etat islamique décapitant le journaliste américain, mardi.
La déclaration de guerre d’Obama n’a pas suffi à faire taire les critiques, au lendemain de la mort de James Foley. A tel point que le président américain a été obligé de justifier, preuve à l’appui, les efforts de son administration pour retrouver ses ressortissants coincés dans les griffes des islamistes. Le chef de l’Etat américain a pour la première fois confirmé une opération terrestre sur le sol syrien : cet été, un commando aéroporté a tenté de sauver les otages, sans succès.
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Barack Obama a déclaré vouloir tout faire pour éradiquer le "cancer" qu’est ce groupe terroriste implanté en Syrie et en Irak. Tout, sauf payer pour ses otages. Quitte à risquer leur vie et provoquer de vifs débats.
Faut-il banquer ? La question qui fâche a été lâchée, notamment par le site d’informations américain Foreign Policy : "L’argent américain aurait-il sauvé James Foley ?". La mort de l’otage est "à vous retourner les tripes", peut-on lire sur le site internet. "Impossible de ne pas penser à ce qui aurait pu se dérouler autrement".
Une semaine avant l’exécution de James Foley, sa famille et son rédacteur en chef au Global Post avaient reçu un email de la part de ses ravisseurs islamistes, menaçant de tuer le journaliste de 40 ans s’ils n’obtenaient pas une rançon de 100 millions de dollars. Le message parlait également de la libération d’Aafia Siddiqui, un neuroscientifique pakistanais retenu dans une prison américaine en raison de ses affiliations à Al-Qaïda.
Mais les Etats-Unis n’ont pas accédé à la demande de l’Etat islamique. Car contrairement à certains pays européens comme la France, Washington refuse de se soumettre au chantage financier pour libérer des otages. Avec plusieurs conséquences.
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Moins kidnappés, plus souvent tués. Selon de nombreux experts, cités notamment dans une enquête du New York Times sur le business des rançons, les Français sont devenus, avec le temps, la proie idéale des kidnappeurs, en lieu et place des Américains. Officiellement, Paris refuse de payer. Officieusement, le New York Times a évalué à 43,3 millions d’euros l’argent dépensé pour libérer ses ressortissants.
Les Etats-Unis, eux, préfèrent partir à la rescousse de leurs otages ou les troquer contre des prisonniers. Récemment, le sergent Bowe Bergdahl, retenu en Afghanistan, a été échangé contre des dizaines de Talibans. En revanche, pas question pour Washington d'ouvrir son portefeuille. Comme James Foley, les Américains qui ne sont ni sauvés, ni échangés, sont voués à rester captifs indéfiniment ou à être exécutés.
Dans son enquête, le New York Times notait que seul un nombre limité d’otages, toutes nationalités confondues, ont été tués depuis 2008, 15% d’entre eux. Mais les ressortissants américains ont plus de risques de faire partie de ces victimes.
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Obama devra-t-il s’expliquer ? Cette politique intransigeante à l’égard des ravisseurs est remise en cause. De nombreux internautes du New York Times s’interrogent sur sa pertinence. "On ne peut pas s’empêcher de penser que sauver la vie de M. Foley valait le fait de payer une rançon", peut-on lire. Mais parmi les critiques, on s’accorde à dire, comme Foreign Policy, que "l’idée de Steven Sotloff (un journaliste américain toujours vivant, qui apparaît également dans la vidéo de l’Etat islamique, ndlr.) coincé dans un trou, attendant la mort, est insupportable. Mais la pensée de récompenser l’Etat islamique pour sa sauvagerie l’est tout autant".
"Dans un premier temps, il convient d’essayer d’éviter" les kidnappings, a réagi le général Michael Hayden, ancien directeur de la NSA et de la CIA, évitant ainsi de répondre à une question sur une rançon dans une interview à Fox News. Dans The Atlantic, David Rohde, un éditorialiste lui-même ancien otage, estime que "le paiement de rançons et le kidnapping d’étrangers doit sortir de l’ombre. Cela doit être débattu publiquement", pour mettre en balance le pour et le contre de la fermeté américaine.