Alors que s'ouvre vendredi à Dakar le sommet de la francophonie, Europe1.fr fait le tour du monde des étrangetés et autres bizarreries de la langue française. Sortez le dicos.
On l'appelle langue de Molière, d'Hugo ou de Voltaire, mais elle n'appartient pas seulement aux plumes de l'Hexagone. La langue française, c'est aussi celle de Brel le Belge, Senghor le Sénégalais, Dany Lafferrière le Canadien ou Trouillot le Haïtien. Une langue-monde, baladée aux quatre coins du globe, et forcément malaxée, amendée, métamorphosée? D'Abidjan à Québec, de Port-au-Prince à Bruxelles, le français se parle aussi avec l'inimitable accent wallon, se chante au rythme traînant du phrasé suisse et se conte avec la verve ivoirienne. A l'occasion de l'ouverture du sommet de la Francophonie vendredi, Europe1.fr vous propose de "tirer une bûche" (prendre une chaise au Québec et vous interdit de "brosser ce cours" (sécher les cours chez nos voisins belges). Embarquement immédiat pour un tour du monde des expressions francophones les plus surprenantes.
La Belgique, c'est magique
>> La situation. excédé, Dupont parle à Dupond : "Ce bac à schnick est vraiment insupportable. Tu l'as choisi à pouf ? Allez, viens, on s'en va profiter de l'air dehors, il fait trop douf ici !"
>> La traduction. Mention très bien niveau allitérations pour la Belgique, qui croise en quelques mots bac avec schnick, puis pouf et douf. Une musique rendue plus chaleureuse encore par l'accent, qui n'éclaire pas pourtant le néophyte sur le sens profond de ces phrases. Comprenez simplement que ce bar (bac à schnick), bruyant et mal fréquenté, a été choisi par hasard (à pouf) par Dupond. Dupont, lui, veut donc échapper à la chaleur et la lourdeur de l'atmosphère (il fait douf) en sortant prendre l'air.
>> Le bonus gastronomique. N'en déplaise aux français, la Belgique est aussi une grande terre de saveurs. Outre la célèbre pomme-frite, qui pourrait d'ailleurs rentrer au patrimoine mondial de l'humanité, les friteries recèlent d'autres trésors culinaires : poulycroc (du poulet enrobé de chapelure), viandelle (une fricadelle enrobée de chapelure) ou encore les chix fingers que vous pourrez alimenter de sauce bicky dressing (sauce de couleur jaune). Savoureux.
Les perles suisses
>> La situation. Les parents, remontés face au rangement apocalyptique de la chambre de leur enfant : "Tu vas nous poutzer tout ça et fissa ! Ça fait vraiment cheni, c'est vraiment pas possible."
>> La traduction. A l'instar de la Belgique, la Suisse est divisée linguistiquement. Romanche, italien, français, allemand y sont parlés. Putzer vient en fait de "putzen" en allemand, qui signifie nettoyer, faire le ménage. Cheni n'est pas le verlan de niche, mais bien une expression qui signifie désordre. Les deux phrases pourraient donc se traduire par : "Tu vas nous ranger tout ça fissa ! Ça fait désordre, c'est vraiment pas possible."
Le Québec, royaume de l'idiome
>> La situation. Céline à René : "René, tire toi une bûche et mets tes barniques. il faut que je te dise un truc, on va manger nos bas."
>> La traduction. Énigmatiques idiomes de la part de Céline, qui tente en fait d'annoncer à son René qu'ils vont avoir des problèmes (manger leur bas). Bienveillante à son égard, elle lui a donc demandé de se tirer une bûche, donc de prendre une chaise pour s'asseoir et de bien mettre ses barniques (ses lunettes) pour affronter la réalité en face.
>> Le bonus musical. Rendons justice à Céline Dion et au Québec tout entier, avec cet extrait de Mommy, le dernier film de Xavier Dolan.
En Côte d'Ivoire, on "caïmante" ou on "gaze"
>> La situation. Les étudiants se bousculent devant le panneau des résultats des exams. L'un d'entre eux, admiratif des bons résultats de son camarade, et un peu jaloux aussi : "En même temps, tu as caïmanté toute l'année."
>> La traduction. Caïmanter ? oui, ce mot vient bien de caïman, la sous-espèce des alligators. Et pour cause, le caïman est un prédateur qui sait rester tapi entre deux eaux pour échapper aux chasseurs, avant de resurgir une fois qu'ils sont partis. Caïmanter pour un étudiant, c'est donc se lever la nuit après le passage du surveillant pour réviser ses cours en internat. Un comportement d'étudiant exemplaire, de bon élève.
>> Le bonus festif. A l'inverse, l'étudiant fêtard part "gazer" tous les soirs, c'est-à-dire sortir, danser, comme le montre cet extrait du film d'animation Aya de Yopougon. A savoir que quand on gaze, on boit souvent. Et pour décapsuler ses bières, le ziboulateur (décapsuleur) est indispensable.
Au Sénégal, le fromage, c'est le pied
>> La situation. un cousin à un autre : "tu camembères méchant, et je dis pas ça parce que je suis ton cousin à plaisanterie".
>> La traduction. Camembérer, c'est tout simplement puer des pieds. Une jolie formule pour établir l'analogie entre l'odeur peu plaisante d'une voûte plantaire et celle d'un camembert bien coulant. Être cousin à plaisanterie, c'est une relation particulière entre deux cousins éloignés, qui les autorise, voire les oblige parfois, à se moquer et s'insulter les uns les autres.
Au Rwanda, rien de tel qu'une bière pour corrompre quelqu'un
>> La situation. Un policier arrête un conducteur. Celui-ci lui propose gentiment de lui "donner une bière".
>> La traduction. Il ne s'agit pas de trinquer à l'amitié, ni de saouler l'officier pour lui échapper. Non, il s'agit en fait de le corrompre, de lui verser l'équivalent d'un pot-de-vin. Donc de lui donner une bière.
La liste pourrait être encore longue, alors avant de demander la route (prendre congé au Mali), nous allons vous cadonner (contraction de cadeau et donner) un dernier conseil? Pour bien connaître le français et toutes ses subtilités, mieux vaut mamoter (l'apprendre mot à mot au Cameroun).