Les clips télé, l'arme fatale électorale. Un autre scrutin se déroulera mardi en même temps que les midterms dans 39 des Etats américains : celui des juges des cours locales. Un scrutin très important dans la vie civique américaine, qui s'invite de plus en plus sur les écrans de télévisions. En effet, les campagnes des candidats aux postes de juges, financées par des "groupes d'intérêts", comme l'autorise le code électoral américain, n'ont jamais autant investi dans les clips de campagne à la télé: plus de 9 millions de dollars au total.
Le but : discréditer son adversaire. L'occasion de (re)-découvrir une particularité de la politique américaine : les negative ads, un concept bien expliqué par Slate (en anglais). Comprenez "publicité négative", une technique électorale à l'efficacité éprouvée, mais à la démarche controversée. Il s'agit en effet de faire campagne contre son adversaire pour le discréditer à tout prix, quitte à faire quelques raccourcis. Florilège de ces clips à charge, où tous les coups sont permis.
>> Niveau 1 - John O'Donnell contre Judi French, dans l'Ohio : "French, s'en met plein les poches"
On commence avec un classique des "negative ads", une attaque presque gentille par rapport aux autres accusations proférées dans les clips de campagnes. Dans ce clip, la voix-off accuse la juge sortante de la Cour Suprême de l'Ohio de "s'en mettre plein les poches". Dans cette vidéo, les commentaires expliquent que la juge aurait accordé une remise de 350 millions de dollars (280 millions d'euros) à l'entreprise American Electric Power, dont des dizaines d'employés avaient contribué à financer la campagne de la même Judi French. "Judi French, à leurs bottes", conclut la vidéo.
Courte, impactante, efficace, la vidéo a suscité de nombreuses réactions aux Etats-Unis. Dont celle du Centre Brennan (en anglais), un think-tank basé à Washington, qui rétablit la balance : selon eux, le groupe d'intérêt American Freedom Builders (en anglais), qui promeut un gouvernement limité et le libre-marché aurait financé à hauteur de 350.000 dollars les clips de campagne de John O'Donnell, le candidat républicain.
>> Niveau 2 - Justice for All contre Robin Hudson en Caroline du Nord : "Robin Hudson est du côté des agresseurs d'enfants"
On passe un cap dans la publicité négative avec ce clip de campagne de Justice for All, un think-tank républicain qui s'oppose à la réélection de Robin Hudson au poste de juge à la Cour Suprême de Caroline du Nord. "Les bracelets électroniques permettent d'éviter que les agresseurs d'enfants ne puissent plus s'approcher des écoles où d'autres lieux à risques. En signant un acte garantissant le droit au respect de la vie privée de ces agresseurs, Robin Hudson s'est mise de leur côté. Robin Hudson n'est pas assez dure avec les bourreaux d'enfants, et pas juste envers les victimes." Élément intéressant à souligner, cette campagne est financée par un "groupe d'intérêt", qui spécifie bien que ce clip "n'est pas réutilisable par les autres candidats. "
>> Niveau 3 - L'alliance pour le renforcement de la loi (LEAA) contre Tim Cullen pour la Cour Suprême de l'Arkansas : "Tim Cullen défend les délinquants sexuels récidivistes"
On atteint les sommets de la publicité négative avec cette campagne financée par la très conservatrice LEAA, qui défend le libre port des armes et l'auto-défense. Une organisation qui a peu apprécié les positions de Tim Cullen, l'un des juges de la Cour Suprême d'Arkansas. "Tim Cullen a défendu les prédateurs sexuels, en affirmant que la pornographie pédophile était un crime sans victimes. Il n'a sûrement pas entendu parler des centaines de milliers d'enfants enlevés qui subissent des dommages irréversibles. Heureusement, la cour a rejeté son argument. Alors, appelez Tim Cullen (avec son numéro affiché, pour qu'il arrête de dire que ce sont des crimes sans victimes."
Si les publicités politiques prennent de l'ampleur (63% des achats de publicités depuis janvier ont été faits à des fins militantes), elles font partie intégrante de la culture démocratique américaine, et ce depuis des siècles. En politique, la diffamation est une arme efficace. Et ça, John Quincy Adams, l'adversaire malheureux d'Andrew Jackson à la présidentielle de 1828, l'avait bien compris. Ses partisans faisaient circuler des pamphlets au contenu sans équivoque : le texte accusait la femme d'Andrew Jackson d'être une prostituée.