Des piscines sur les toits de villas, des cabriolets rutilants et des montres en or massif, ces photos ne sont pas prises depuis les hauteurs d'Hollywood ou dans les gratte-ciels qataris. Non, ces clichés de vies de nababs qui fleurissent sur le Net sont pris par la jeunesse dorée de Téhéran, la capitale iranienne. De quoi susciter l'intérêt des internautes, et le courroux du gouvernement d'Hassan Rohani qui a décidé de bloquer le compte, jugé trop "vulgaire". Un exemple de plus de la censure qui règne sur le pays, après les blocages de Twitter, Facebook et Youtube.
La galerie de photos de la page "richkidsoftehran" ("gosses de riches à Téhéran" en anglais) dévoile nombre de voitures de luxe, résidences de grand standing du nord de la ville et des clichés pris lors de fêtes où l'alcool, pourtant interdit en Iran, coule à flot et où les jeunes filles en robe de soirée chic ne portent pas le voile. La loi islamique, en vigueur dans le pays depuis la Révolution de 1979, oblige les femmes à porter des vêtements modestes et amples ainsi qu'un hijab, un voile couvrant les cheveux et le cou, dans l'espace public. Mais au milieu des commentaires ébahis - "Trop belle ta caisse, mon frère" - certains visiteurs fustigent "les gens qui sont vides à l'intérieur et qui veulent remplir ce vide en faisant les beaux". Dans un message publié jeudi, le propriétaire du compte assure que "cette page n'a pas de mauvaises intentions et a été créée pour rigoler", soulignant que "certaines photos n'ont pas été prises en Iran".
Ce compte Instagram a suscité l'indignation auprès des journaux iraniens. Le quotidien populaire Haft-e-Sobh évoque jeudi "une classe de jeunes gens qui, grâce à leur fortune, font la fête, ont leur propre style de vie et à qui le système iranien ne peut pas toucher". Le journal Taadol, considéré comme proche de l'actuel président modéré Hassan Rohani, dénonce "une classe de nouveaux riches qui a émergé comme des champignons au cours des huit années du gouvernement" de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013). Ce sont "les rentes (accordées par l'ancien gouvernement) et la corruption qui ont permis la naissance de ces nouveaux riches de manière extraordinaire, notamment grâce au commerce", ajoute le quotidien.
D'autres internautes ont choisi de répliquer en lançant une page concurrente, "poorkidsoftehran" qui pastiche cet étalage du luxe téhéranais.
A la place des clés d'une Porsche, on voit les clés d'une Saipa Pride, l'une des voitures les moins chères du marché. "J'y crois pas... Moi aussi je veux une Pride", ironise un internaute dans un commentaire.