L’Etat islamique menace les Etats-Unis, la France et leurs alliés occidentaux de frapper sur leur sol. Dans un communiqué dévoilé lundi, Abou Mohamed al-Adnani, le porte-parole de l’organisation terroriste, encourage ses partisans à tuer des civils par tous les moyens. Le ministre français de l'Intérieur a répondu avec fermeté : "La France n'a pas peur" de ce type d'intimidation.
>> Qu'en est-il vraiment de cette menace ? Europe 1 essaye d’y voir clair sur ce discours inquiétant avec Afzal Ashraf, consultant en diplomatie et contre-terrorisme pour le Royal United Services Institute.
Est-ce la première fois que l’Etat islamique menace ouvertement des pays occidentaux ?
D’après ce que je sais, l’Etat islamique n’avait auparavant professé aucun appel pour attaquer des cibles occidentales. Mais il faut voir cela comme une continuité de la stratégie des djihadistes ces 20 dernières années. Avant la création d’Al-Qaïda, les djihadistes ciblaient des régimes arabes musulmans. La grande contribution de Ben Laden à la stratégie djihadiste a été de dire ‘Nous devons attaquer l’Occident’, ce qu’il appelait ‘l’ennemi lointain’.
Jusqu’à présent, l’Etat islamique ne ressentait pas le besoin d’attaquer directement l’Occident, car ils ont réussi ce qu'Al-Qaïda a toujours échoué à faire : prendre des territoires et mettre en place leur propre "Etat". Mais soudainement, ils ont ressenti ce besoin en raison des revers essuyés en Irak.
De ce que je comprends de ce communiqué, les têtes pensantes de l’Etat islamique déclarent : ‘Nous pensons que vous devriez mener des attaques’. Mais ils n’ont ni les moyens humains, ni les moyens pratiques pour le faire. Donc ils espèrent simplement que quelques personnes complètement folles se rassembleront et apprendront à fabriquer une bombe pour mener cette attaque.
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S’agit-il d’un revirement dans la stratégie de l’Etat islamique ?
C’est en effet un changement. Jusqu’aux récentes attaques aériennes, ils n’avaient pas menacé directement l’Occident. Mais à chaque revers, ils ont décapité un otage et mis la pression sur le gouvernement américain, britannique, et maintenant français.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette guerre réside en un problème de communication. Au même titre que l’Occident a du mal à comprendre le mode de réflexion des djihadistes, ces gens-là ne comprennent pas les Etats-Unis et ses alliés et interprètent mal leur comportement. Si l’on regarde leur stratégie de plus près, on se rend compte qu’il s’agit d’une série d’incompréhensions.
Selon moi, il pourrait être très utile que des leaders occidentaux parlent directement à Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’Etat islamique, pour lui dire ‘A chaque fois que vous nous attaquerez, nous répondrons plus fort encore. Alors cessez de nous attaquer si vous ne voulez pas que nous ripostions’. C’est un message aussi simple que celui-là que devraient tenir les chancelleries occidentales. Les responsables devraient sincèrement envisager de communiquer avec les djihadistes aussi clairement.
Devrions-nous, dans ces conditions, prendre cette menace au sérieux ?
En 2006-07, quand Al-Qaïda s’est rendu compte que les Américains avaient détruit sa capacité à mener des attaques directes sur l’Occident, comme le 11-Septembre, ils ont commencé à publier de la propagande du même type, en donnant de nombreuses informations à des Occidentaux sur la manière de frapper. En ce sens, le communiqué de l’Etat islamique peut en effet encourager quelques soutiens djihadistes à organiser des attaques.
Mais cette menace n'est pas nouvelle. Depuis près de dix ans maintenant, nous connaissons une menace similaire. Ce communiqué ne change pas fondamentalement la situation, ça n’est qu’une nouvelle forme d’encouragement. Mais ces mêmes personnes pourraient avoir bien du mal à mettre en place un tel plan, à trouver les moyens nécessaires. Une des raisons pour laquelle il n’y a eu que très peu d’attaques dans les pays occidentaux ces dernières années est l’efficacité des services secrets, qui sont généralement à même de repérer ce type de menace.
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Cette nouvelle menace est-elle vraiment une réponse directe à la pression militaire en Irak ?
L’Etat islamique ne fait que confirmer qu’ils ressentent bien la pression de l’Occident via l’aide aux Irakiens et aux Kurdes. Le groupe djihadiste veut faire sentir aux Occidentaux qu’il ne vaut mieux pas envoyer de troupes au sol sur ce terrain. Ils pensent qu’en cas d’attaque sur le sol français, par exemple, la population poussera le gouvernement à ne pas envoyer de soldats ou de nouveaux avions de combat. Mais cela pourrait bien être une erreur de jugement. Dans le passé, ce type de calcul a toujours eu l’effet inverse sur les chancelleries occidentales.