L'Argentine, pays dont la population se dit catholique à 91%, est devenue jeudi à l'aube le premier pays d'Amérique latine à autoriser le mariage homosexuel.
Le texte de loi, soutenu par le gouvernement de centre-gauche de la présidente Cristina Kirchner, a été adopté de justesse au Sénat et modifie le Code Civil : la formule "mari et femme" a été remplacée par le terme "les contractants". Les mariés pourront en outre adopter des enfants et avoir accès aux mêmes droits : sécurité sociale, allocations ou jours de congé liés à la vie familiale.
L’Eglise catholique, très influente dans le pays, a tout fait pour empêcher l’adoption de cette loi : une grande mobilisation a été organisée face au Congrès le 13 juillet, veille du débat au Sénat, accompagnée d’une demande de référendum, en vain.
Une tendance de fond
L'Argentine devient ainsi le premier pays à autoriser le mariage homosexuel en Amérique latine et le dixième au monde à le faire sur tout son territoire. après les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, le Canada, l'Afrique du sud, la Norvège, la Suède, le Portugal et l'Islande.
Cette décision accentue une évolution de fond : les pays latins, pourtant très croyants, se convertissent au mariage homosexuel. L’Espagne, le Portugal et la ville de Mexico l’autorisent, le Colombie et le Venezuela ont créé des formes de PACS. A l’opposé, les pays anglo-saxons, supposés plus libéraux, se montrent encore méfiant, à l’exception des pays scandinaves et du Canada.
Au-delà des minorités, une question religieuse
Les pays latins sont-ils plus ouverts sur les questions des minorités sexuelles ? "C’est un paradoxe apparent", analyse Daniel van Eeuwen, directeur délégué de l’IEP d’Aix-en-Provence et du Centre des Amériques Sciences Po Aix.
"Cette modernisation est incontestablement areligieuse. Elle n’est pas anti-religieuse, mais il y a une prise de distance avec les prescriptions religieuses", poursuit-il. La reconnaissance du mariage homosexuel n’est donc pas qu’une affaire de sexualité, c’est aussi une question de rapport avec l’Eglise.
La société argentine demeure profondément croyante mais elle commence à établir une distinction entre les mœurs de sa société et les questions spirituelles. "Mais les Eglises continueront de lutter" pour garder la main sur les questions de société, prévient Daniel van Eeuwen.