L’INFO. Rien de tel qu’un petit roupillon en avion pour faire passer le temps… sauf lorsqu’on est aux commandes de l’appareil. Et pourtant, ce genre d’événement arrive plus souvent qu’on ne le croît. Plus de la moitié des pilotes britanniques (56%) se sont déjà endormis dans le cockpit et près d'un tiers d'entre eux a découvert à son réveil que son copilote dormait également, selon une enquête publiée vendredi par l'Association britannique des pilotes de ligne.
La fatigue, un risque pour la sécurité. Plus grave encore, quelque 43% des pilotes estiment aussi que leurs compétences ont été compromises au moins une fois par mois au cours des six derniers mois à cause de la fatigue. Près de la moitié des pilotes (49%) juge que la fatigue est la principale menace pesant sur la sécurité aérienne, un facteur trois fois plus important que toute autre menace, selon un sondage réalisé auprès de 500 pilotes de ligne par l'institut ComRes.
Y’a-t-il un pilote dans l’Airbus ? L'enquête est rendue publique alors que deux pilotes d'un Airbus appartenant à une compagnie aérienne britannique se sont endormis pendant un vol long courrier le 13 août dernier, selon un rapport de l'Autorité de l'aviation civile au Royaume-Uni. Fort heureusement, l'appareil a poursuivi sa route en pilotage automatique sans aucune supervision humaine, rapporte jeudi le quotidien The Sun. L'un des deux pilotes s'est finalement réveillé et a secoué son collègue mais ni l'un ni l'autre ne peuvent dire avec exactitude combien de temps a duré cette sieste inopinée. Les deux pilotes ont signalé leur mésaventure à la direction de l'aviation civile britannique (Civil Aviation Authority, CAA), mettant en cause la surcharge de travail pendant la période des vacances d'été. L'un des pilotes a expliqué que lui et son collègue n'avaient eu que cinq heures de sommeil la nuit précédant le vol.
Est-ce que c’est grave ? Jean Belotti, ancien pilote chez Air France aujourd’hui à la retraite, avoue s’être lui-même endormi dans le cockpit lors de vols long courrier. "On arrive tard à l’hôtel. Il y a du bruit ou une grande fête et on ne dort pas forcément bien la nuit… On a du sommeil en retard. Après huit ou neuf heures de vol, avec le décalage horaire, on a tendance à s’endormir. Les paupières sont lourdes, c’est vrai", raconte cet ancien commandant à Europe1.fr. "J’ai fait 20.000 heures de vol mais il y a 10.000 où je dormais", plaisante Jean Belotti, assurant tout de même qu'il veillait toujours à effectuer des roulements avec les copilotes.
Avion : "on a tendance à s’endormir"par Europe1frPour cet expert aéronautique, s’endormir en plein vol, "pour recharger les batteries et ne pas lutter contre le sommeil", n’est pas si grave. Il existe un programme qui "fait aller l’avion partout sur les points de reports que vous avez prévu jusqu’à destination", explique Jean Belotti. "Donc si vous ne faites rien et que tout se passe normalement, vous pouvez dormir", tout en veillant que le copilote soit bien éveillé, assure-t-il. "Si par exemple, dans deux minutes, l’avion doit virer à gauche de dix degrés et qu’il ne le fait pas automatiquement, le pilote doit le faire à la main", précise-t-il. "Mais à la limite, même si les deux pilotes dorment au même moment, ce n’est pas accidentogène à court terme", ajoute-t-il. L’important est que les pilotes aient toutes leurs facultés au moment des phases délicates, comme l’atterrissage ou le décollage. Par précaution, les hôtesses frappent à la porte des pilotes toutes les demi-heures. Toujours est-il que, pour ce pilote à la retraite, la fatigue n’est pas un paramètre suffisamment pris en compte par les institutions.
L’Europe se penche sur le repos des pilotes. Le sondage réalisé pour l'association des pilotes de ligne (BALPA) est justement publié avant un vote, lundi, de la Commission des transports du Parlement européen sur un texte consacré aux temps de travail et de repos minimum requis pour le personnel aérien.
Le BALPA s'oppose à cette nouvelle régulation, affirmant notamment qu'un pilote pourra atterrir 22 heures après s'être réveillé, ce qui correspond à "un niveau de fatigue équivalant à celui ressenti après avoir consommé quatre fois la limite d'alcool autorisée pour voler". "La fatigue est déjà un défi majeur pour les pilotes, qui sont extrêmement inquiets des nouvelles réglementations de l'UE (...) conduisant à une augmentation des niveaux de fatigue, dont il a été démontré qu'ils représentent un facteur important dans les accidents aériens", a estimé le secrétaire général de BALPA, Jim McAuslan, dans un communiqué.
Dans un document publié vendredi, la Commission européenne s'est défendue en expliquant que le texte étudié lundi prévoyait que le temps d'attente à l'aéroport et le temps de vol ne pouvaient pas excéder 16 heures pour les pilotes, alors qu'actuellement cette période peut aller jusqu'à 26 heures.