L’INFO. 14 février 2005, une camionnette explose sur le front de mer de Beyrouth. Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre libanais, meurt dans l’attentat. Ce n’est que neuf ans plus tard que la justice peut commencer son travail : jeudi, le Tribunal spécial pour le Liban a entamé à La Haye le procès des quatre membres du mouvement chiite Hezbollah, accusés de cet assassinat, en leur absence. Mais la vague de violences qui ébranle le pays risque bien de faire passer ce procès au second plan.
Qui était Rafic Hariri ? L’ex-Premier ministre libanais était une figure majeure de la vie politique de son pays. Musulman sunnite, ami de Jacques Chirac, il fait fortune en Arabie saoudite, avant de s’engager en politique, avec succès : entre 1992 et 2004, il dirige cinq gouvernements. En 2004, il démissionne et passe dans l’opposition, au sein de laquelle il se met à préparer les prochaines élections. Mais le 14 février 2005, le blindage de son véhicule ne suffit à le protéger de l’attentat-suicide. Rafic Hariri est mortellement blessé. 22 autres personnes perdent la vie dans l’explosion.
Un reportage de France 2 sur l'attentat :
Au Liban, l'émotion est énorme. Tous les regards se tournent vers le Hezbollah, derrière lequel plane l'ombre de la Syrie. La coalition du 14-Mars, composée d'opposants au Hezbollah, pro-occidentaux, est lancée. Quelques semaines plus tard, sous la pression de la rue, l’armée syrienne se retire du Liban, mettant fin à trente ans d’occupation.
Le tribunal spécial pour le Liban. Créé en 2007 par l’ONU, le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) est basé à La Haye. Il a longtemps été une pomme de discorde au Liban et la question a même entraîné, en 2011, la chute du gouvernement de Saad Hariri, le fils de Rafic Hariri. Pour protester contre la mise en place du TSL, soutenu par Saad Hariri, les ministres du Hezbollah avaient claqué la porte de son gouvernement, provoquant sa chute. Car pour le Hezbollah, le TSL est le fruit d’un complot "israélo-américain" contre lui. C’est pourquoi le mouvement a exclu toute remise des quatre suspects à la justice. A l’ouverture de l’audience, le juge David Re a indiqué que le tribunal allait "procéder comme si les accusés étaient présents et avaient plaidé non coupable".
Des accusés protégés par le Hezbollah. Mustafa Badreddine, 52 ans, et Salim Ayyash, 50 ans, sont accusés d’avoir préparé et exécuté le plan visant à tuer Rafic Hariri. Les deux autres hommes, Hussein Oneissi, 39 ans, et Assad Sabra, 37 ans, ont de leur côté enregistré une fausse cassette vidéo de revendication de l’attentat au nom d’un groupe fictif baptisé "Victoire et Jihad en Grande Syrie". Tous deux avaient fait parvenir cette cassette à la chaîne Al-Jazeera quelques heures après l’attentat. Protégés par le Hezbollah, les quatre accusés couleraient des jours heureux dans la banlieue sud de Beyrouth, selon la presse libanaise.
Dix ans d’enquête. L’enquête aura duré près de dix ans. Et presque tous les hauts responsables mêlés à l’affaire ou suspectés d’avoir participé à l’attentat ont péri depuis, note Libération. L’acte d’accusation, lui, s’appuie pour l’essentiel sur des relevés de communications téléphoniques. Plusieurs réseaux, dont certains secrets, ont été utilisés pour préparer et coordonner l’attentat contre Rafic Hariri. Des téléphones ont ainsi été utilisés pour surveiller les déplacements de l’ex-Premier ministre et d’autres pour contrôler la fausse revendication. Un réseau "rouge" secret a servi à l’équipe d’exécution de l’assassinat. Il a cessé toute activité deux minutes avant l’attentat, indique le site Now dans une infographie.
Un procès éclipsé par la violence. Au Liban, les problèmes de sécurité ont éclipsé l’ouverture de ce procès très attendu. Une journaliste basée à Beyrouth note sur Twitter que "dans le centre-ville de Beyrouth, les passants disent s’attendre à des attentats pendant le procès".
dans le centre ville de #Beyrouth les passants disent s'attendre à des attentats pendant le proces #Hariri qui s'ouvre aujourd'hui #fatalité— MarinePradel (@MarinePradel) January 16, 2014
Les faits leur ont donné raison. Quelques heures avant l’ouverture de l’audience à La Haye, un attentat à la bombe a fait au moins trois morts dans un fief du Hezbollah, près de la frontière avec la Syrie.