Les contestations populaires contre les régimes autoritaires de Libye, du Bahreïn et du Yémen se sont terminées tragiquement vendredi. Réprimées par des démonstrations de force, elles ont fait plusieurs dizaines de morts depuis mardi.
Ces révoltes interviennent après l'éviction de deux autocrates depuis la mi-janvier, Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte. Ces départs ont fait naître dans le reste du monde arabe le sentiment que la pression populaire pouvait apporter la démocratisation. Le point, pays par pays, en milieu d'après-midi.
Barack Obama a condamné vendredi le recours à la violence contre les manifestants et appelé au respect de leur liberté d'expression.
Libye : la protestation violemment réprimée
En Libye, où le colonel Mouammar Kadhafi règne depuis 42 ans, les comités révolutionnaires, pilier du régime, ont menacé les manifestants d'une riposte "foudroyante", alors que la répression de la contestation a fait au moins 41 morts depuis mardi, selon un bilan compilé par l'AFP de sources locales. L'organisation Human Rights Watch parle elle de 84 morts.
Les mouvements de protestation, dont celui de jeudi qui répondait à un appel sur Facebook à une "journée de la colère", ont été violemment réprimés notamment à Benghazi, deuxième ville du pays et bastion de l'opposition où des milliers de personnes ont participé vendredi aux funérailles des victimes, et Al-Baïda, où 14 personnes ont été tuées depuis mercredi. Les deux villes sont situées sur la côte, à l'est de Tripoli.
L'ONG Human Rights Watch (HRW), évoquant 24 morts pour la journée de jeudi, a dénoncé une répression "sauvage" et "la brutalité de Mouammar Kadhafi face à toute contestation interne".
Les images des manifestations en Lybie par Al Jazira :
Bahreïn : un dialogue avec l'opposition ?
La police du Bahreïn a ouvert le feu sur des manifestants vendredi soir à Manama, faisant des dizaines de blessés. De son côté, le prince héritier du Bahreïn, Salman ben Hamad Al-Khalifa, a promis un dialogue avec l'opposition, une fois le calme revenu.
Jeudi, quatre manifestants ont été tués et 231 autres blessés lors d'une intervention de la police anti-émeute, venue disperser des militants rassemblés place de la Perle, dans le centre de Manama. Le dignitaire chiite le plus en vue de Bahreïn, le cheikh Issa Kassem, a qualifié de "massacre" cette intervention.
Des milliers de chiites ont enterré vendredi, dans un climat de tension et de colère, trois des leurs, tués dans la violente répression.
Yémen : le mouvement ne faiblit pas
Trois manifestants ont été tués vendredi soir à Aden, principale ville du sud, lors de la dispersion par la police de manifestations contre le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. Plus tôt, deux manifestants avaient été tués et 27 autres blessés à Taez dans une attaque à la grenade contre des manifestants.
Au moins trois personnes avaient déjà été tuées et une vingtaine blessées par balles dans la nuit de jeudi à vendredi, lors d'affrontements entre police et manifestants à Aden.
Ce bilan porte à 10 le nombre des tués depuis le début du mouvement, qui ne faiblit pas en dépit des promesses de mesures sociales et économiques, dont une augmentation des salaires.
Egypte : la "marche de la victoire"
Une semaine après le départ d'Hosni Moubarak, des milliers de manifestants sont revenus vendredi place Tahrir au Caire pour fêter la chute de son régime et maintenir la pression sur l'armée, qui a pris les rênes du pouvoir, pour qu'elle libère les détenus et assure des réformes démocratiques. Selon l'agence de presse officielle Mena, deux millions de personnes se sont rassemblées place Tahrir et à ses abords.
Dans le reste du pays, des centaines de milliers de personnes ont participé à cette "marche de la victoire" visant aussi à rendre hommage au 365 victimes de la répression. Place Tahrir, l’influent théologien qatari et mentor des Frères musulmans, cheikh Youssef Al-Qardaoui, a demandé à la foule, lors de la grande prière hebdomadaire, de faire preuve de patience envers l'armée.
Selon une source proche de la sécurité, le Premier ministre, Ahmed Chafik, devrait annoncer dimanche ou lundi un remaniement, où devraient entrer des personnalités de l'opposition, dans l'espoir de rassurer les manifestants et de remettre au travail le pays.
Iran : les leaders de l'opposition en ligne de mire
En réponse aux manifestations antigouvernementales de lundi, les autorités ont organisé vendredi une contre-manifestation dans le centre de Téhéran, à l'issue de la prière. Les orateurs officiels de cette contre-manifestation ont lancé les mêmes slogans, repris par la foule : "mort à Moussavi, mort à Karoubi", les deux leaders de l'opposition.