Coupée du monde, Gao est une ville fantôme aux mains des islamistes. Un enfer dont une jeune étudiante en médecine, âgée de seulement 18 ans, est parvenue à s’extraire. Il lui aura fallu risquer sa vie pendant trois jours, bringuebalée dans le désert. A pied, en voiture, en bus, elle aura franchi deux frontières - le Niger et le Burkina Fasso - pour finalement retrouver sa famille à Bamako.
"Il n’y a plus rien à manger, plus de médicaments"
C’est dans la capitale malienne que l’envoyé spécial d’Europe 1 l’a rencontrée et a recueilli son témoignage, rare, car peu parviennent à quitter cet enfer. "Il n’y a plus rien à manger, plus de médicaments à l’hôpital", ajoute-t-elle, décrivant des gens malades, condamnés à mourir sur place, puisque personne ne peut quitter la ville.
L’étudiante en médecine raconte aussi sa peur lorsque les premiers bombardements français ont secoué la ville. Des bombardements d’une précision diabolique qui ont touché toutes les cibles islamistes. "Lors des bombardements, il y a eu beaucoup de morts. On a essayé de les cacher mais ils étaient trop nombreux", confie la jeune femme, qui décrit la cour de l’hôpital couverte de corps.
Ils coupent les mains de ceux qui veulent fuir
Au lendemain de ces bombardements, les islamistes ont convoqué la population de la ville, sur la grand’ place de Gao, hissant le drapeau du djihad et scandant qu’ils ne quitteraient jamais la ville. Elle raconte aussi les jeunes gens déshérités, achetés par les islamistes à coup de liasses de billets, qui tentent de s’enfuir, mais rattrapés dans le désert et battus publiquement. Elle raconte l’horreur quotidienne devant l’hôpital où elle a été réquisitionnée.
"Ils le font en public, ils nous disent de venir parce qu’ils s’apprêtent à couper des mains", se souvient la jeune femme. Les islamistes demandent alors aux médecins et au personnel de l’hôpital de pratiquer des anesthésies. Puis ils coupent une main ou un pied à ceux qui ont tenté de fuir.
Les islamistes ont peur des soldats qui arrivent
Mais depuis que les frappes ont commencé, les islamistes vivent dans la peur. Certains s’habillent à l’occidentale et se coupent la barbe, dans la crainte de voir arriver des soldats maliens et français. Au moindre bourdonnement d’avion, ils se réfugient dans les maisons, couvrent leur voiture de sable et se dispersent la nuit, dans la brousse, aux alentours.
"Ils ne s’entendent plus trop", a constaté la jeune étudiante, "car certains désertent, d’autres partent, courent", ajoute-elle, soulignant qu’ils sont maintenant devenus "très agressifs".