Serge Lazarevic a retrouvé les siens mercredi, après plus de trois ans de captivité dans les mains des terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Il aurait été libéré dans la région de Kidal, dans le nord du Mali. Comme à chaque libération d’otages, les spéculations vont bon train quant à une contrepartie. Selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP, plusieurs djihadistes auraient été relâchés des geôles de Bamako, en échange de Serge Lazarevic. S’il a été démenti par un proche du gouvernement, le deal fait sérieusement grincer des dents, au Mali et au-delà.
Les associations de défense des droits de l’homme ou encore l’opposition politique maliennes, mais aussi les journaux de la région tiennent à montrer qu’elles ne se trompent pas de cible. Elles se réjouissent unanimement de la libération du Français. Mais là n’est pas la question.
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Tous les moyens sont-ils bons ? Chez le voisin burkinabé, le quotidien Fasozine regrette "qu’au-delà du devoir régalien de l’Etat français de préserver la liberté de ses citoyens partout où ils se trouvent dans le monde, cette façon de faire donne malheureusement l’impression que tous les moyens sont bons pour y arriver". Les ONG maliennes, comme la Fédération internationales des ligues des droits de l’homme (FIDH) et Amnesty international Mali, font le même constat : "Si nous comprenons la nécessité de trouver des moyens pour libérer les otages, nous considérons que ces solutions ne doivent pas violer les droits de victimes et le principe de la séparation des pouvoirs au Mali", ont-elles écrit dans un communiqué commun.
Pour huit partis de l’opposition malienne, cités par Malijet, cette contrepartie est une "promotion de l’impunité" dans un pays où la réconciliation entre le Nord et le Sud n’est toujours pas acquise. Il aurait été préférable que la justice malienne fasse son travail jusqu’au bout, "le président aurait pu alors, s’il y était contraint, exercer son droit de grâce", selon les organisations politiques.
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Le spectre de la Françafrique. Selon la source sécuritaire citée par l’AFP, Bamako a "fait ce geste [...] à la demande de Paris". Le ministère français de la Défense ainsi que l'Elysée, contactés par Europe 1, n'ont pas réagi à ces informations. Toujours est-il que côté malien, les mots sont parfois durs, relève RFI, pour dénoncer ce qui est considéré comme un sommet d’ingérence de la part de l’ancienne métropole coloniale. Pour L’Indicateur du renouveau, un journal malien, "qu’ils soient de gauche, de droite ou même du centre, les présidents français n’ont aucun respect pour leurs pays africains".
Le cas de Mohamed Ali Ag Wadoussène, directement impliqué dans l’enlèvement de Serge Lazarevic, cristallise l’agacement au Mali. Dans un édito, Mali actu estime que "le cas Wadoussène est assez révoltant, tant cet homme s’est illustré pour des actes gravissimes, aussi bien au Nord que dans le sud du pays". Selon les associations de défense des droits de l’homme, l’homme est dans le collimateur de la justice malienne dans deux procédures, pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage et séquestration. Cet ancien membre de la Garde nationale était emprisonné depuis 2011 mais il avait réussi à s’évader au mois de juin, tuant au passage un gardien. Le frère de la victime laisse exploser sa rage dans Mali actu en apprenant la libération du meurtrier présumé : "La dignité malienne, elle est comment maintenant ? Un Français vaut mieux donc qu’un Malien ?".
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