Armés jusqu’aux dents, ils ont fui les villes qu’ils tenaient d’une main de fer. Après Diabali et Douentza, Tombouctou les islamistes ont abandonné Gao, avant même que les troupes françaises et maliennes ne fassent leurs premiers pas dans la ville. Les islamistes regroupent leurs forces dans l'extrême nord-est du pays, où ils restent dangereux, sur le territoire malien et au-delà, selon des experts.
Un repli dans les montagnes
Pas de combats frontaux. Face aux moyens aéro-terrestres mis en oeuvre - assaut commando sur l'aéroport de Gao, largage de parachutistes près de Tombouctou, progression par voie terrestre de colonnes de soldats français et maliens, frappes aériennes sur les dépôts d'armes et de carburant - les islamistes ont refusé le combat frontal.
Les montagnes comme refuge. Au Mali, de nombreux témoignages font état d'un repli des chefs les plus connus, Iyad Ag Ghaly, pour Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et l'Algérien Abou Zeid pour Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans les montagnes de Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, près de la frontière algérienne. Le massif des Ifoghas, dans la région de Kidal, est aussi le berceau traditionnel des mouvements séparatistes touareg.
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"Ils sont en train de se disséminer dans le Nord, les régions montagneuses difficiles d'accès et difficiles à frapper. On entre dans une stratégie de conflit asymétrique, sur deux fronts: à la fois au Mali et à l'extérieur", juge Jean-Charles Brisard, consultant indépendant sur le terrorisme.
Une stratégie de guérilla
Guérilla et harcèlement. "Ils devraient basculer vers une tactique plus classique de guérilla, de harcèlement, d'attaques ponctuelles, avec des enlèvements, des attentats", juge Alain Antil, responsable du programme Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Des représailles en Afrique. Si Charles Brisard juge le risque d'attentats en France possible, le spécialiste du terrorisme estime que "pour des raisons pratiques, ces groupes envisagent d'abord des représailles en Afrique". Les katibas (unités combattantes) d'Aqmi et ses alliés ont prouvé de longue date leur capacité à monter des opérations coups de poing dans la région, dont la plus spectaculaire et la plus récente est la prise d'otages massive sur le site gazier d'In Aménas, dans le Sahara algérien, du 16 au 19 janvier.
Une zone sous influence. Les spécialistes mettent ainsi en garde contre une dissémination du danger jihadiste dans la région."Ils vont se repositionner, sur la Libye, l'Algérie, voire la Tunisie. C'est un réseau international avant tout. Il va y avoir hémorragie dans les pays frontaliers", craint Souleimane Mangane, universitaire malien spécialiste des mouvements islamistes. Pour Dominique Thomas, c'est surtout l'évolution des pays de la zone, "le Sahel avec ses frontières poreuses", qu'il faudra surveiller, "en particulier la capacité de la Libye à se structurer en Etat stable et sécurisé".
Les craintes pour les forces armées
Garder les villes reprises. Les villes qui viennent d'être reprises et dont la sécurisation pourrait prendre du temps et mobiliser un nombre conséquent de soldats, pourraient constituer des cibles de choix. "Après avoir libéré les villes, il faut les tenir. Ca veut dire checkpoints, ça veut dire contrôles, ça veut dire aussi risque de kamikaze ou d'attentat suicide", selon Dominique Thomas, de l'Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman.
La crainte d’une insurrection grandissante. Les observateurs se souviennent que s'il a suffi de cinq semaines, à l'automne 2001, pour que les Etats-Unis et leurs alliés locaux chassent du pouvoir les talibans et prennent Kaboul, l'insurrection islamiste n'a ensuite cessé de prendre de l'ampleur. Un risque auquel est également soumis le Mali.