Malofeev, l'homme accusé de financer la guerre en Ukraine

© Capture d'écran Youtube
  • Copié
, modifié à
Novaïa Gazetta a révélé que le Kremlin avait planifié le déroulement de la crise ukrainienne. A l'origine de ce plan selon le journal russe, Konstantin Malofeev, oligarque soupçonné de financer les séparatistes.

Le référendum en Crimée, l'annexion de la région, le soulèvement séparatiste dans l'est du pays… autant d'événements majeurs qui ont émaillé l'histoire ukrainienne en 2014. Une histoire et un enchaînement peut-être pas si fortuits, puisque le journal russe Novaïa Gazetta avançait mercredi que ces troubles avaient été savamment préparés et orchestrés par le Kremlin. Les journalistes de la rédaction moscovites se sont procurés un document rédigé par plusieurs proches du pouvoir, qui auraient remis cette note à Vladimir Poutine, déroulant tout un programme destiné à conserver l'emprise russe sur l'Ukraine.

Un colosse portant la barbiche à la mode tsariste. L'histoire aurait donc tout d'un conte, co-écrit par plusieurs auteurs. Au centre de ce rocambolesque scénario, Novaïa Gazetta cite Konstantin Malofeev.  Cet oligarque de 40 ans, colosse qui porte la petite barbiche à la mode tsariste, est accusé par Kiev de financer les rebelles du Dombass au nom du Kremlin. Europe1.fr brosse le portrait de cet homme controversé.  

L'ex-employeur de deux leaders séparatistes. L'oligarque est accusé de financer la rébellion séparatiste du Dombass. Il faut dire que certaines coïncidences sont troublantes : Alexander Borodaï et Igor Strelkov, respectivement ancien et actuel Premier ministre de la République Populaire de Donetsk, sont tout deux ses anciens salariés, comme l'affirme The Interpreter. Konstantin Malofeev, lui, nie et nuance, ils n'ont jamais été que des "consultants externes". Il reconnait également "un accord entre la république populaire de Donetsk et sa fondation, mais uniquement pour de la nourriture et de l'aide humanitaire".

borodai

© Alexander Borodai (gauche) et Igor Strelkov (droite) lors de la passation de pouvoir.

Il n'empêche, le Canada et l'Union Européenne ont pris des sanctions à son encontre en gelant ses avoirs. Pas de quoi perturber le multimillionnaire qui a répondu à cette annonce d'un ton très détaché : "Ces sanctions sont un instrument stupide et inefficace, ça ne perturbera pas mes affaires." Des affaires qu'il a confié à ses proches, puisque depuis deux ans, il a décidé de ne plus s'impliquer dans son empire financier. La raison ? " Il est impossible de dédier sa vie à Dieu et de faire des affaires, j'ai donc décidé de me retirer de la gestion de ma fortune il y a deux ans de cela", arguait-il alors.

Très conservateur sur les questions de société. A la tête de la fondation Saint-Basile, la plus grande association caritative russe orthodoxe, "il incarne le virage religieux, nationaliste et conservateur que semble emprunter la Russie, et que craignent les puissances occidentales", explique le journaliste Joshua Keating dans un article paru sur Slate (en anglais).  Très proche du pouvoir, il a été surnommé "le Soros de Poutine" (en référence à George Soros). Via sa fondation, il est aussi l'un des principaux animateurs et lobbyistes des lois contre les homosexuels votées actuellement en Russie. Il finance la tenue de conférences sur "les valeurs de la famille" : "un adulte peut choisir sa façon de s'amuser au lit, mais l'Etat et les contribuables ne peuvent pas accepter qu'on enseigne aux enfants la perversion sexuelle", affirmait-il dans Slate.  

philippe

© Philippe de Villiers, en visite chez Vladimir Poutine dans sa résidence d'été à Yalta.

Un Puy-du-Fou sauce russe avec de Villiers. Il finance également la Ligue pour la moralité sur Internet, qui a poussé pour un durcissement de la loi dans le domaine et permis de démanteler plusieurs réseaux pédopornographiques en Russie. Mais selon plusieurs associations de défense des Droits de l'Homme russes interviewées par la BBC, cette loi a aussi donné une bonne excuse au pouvoir pour bâillonner les ONG et d'imposer une censure plus rigoureuse. Si le rapprochement peut paraître étonnant au premier abord, ses positions très conservatrices sur les questions de société expliquent mieux sa proximité avec un certain Philippe de Villiers, lui aussi grand admirateur de Vladimir Poutine. Mais entre les deux hommes, il ne s'agit pas que d'idées, on parle aussi business. En effet, Konstantin Malofeev voudrait importer et décliner le concept du parc d'attraction du Puy-du-Fou à Moscou et en Crimée. Les deux hommes se sont donc associés dans le projet.

En guerre contre le "totalitarisme" occidental. Malofeev cultive enfin une vision de l'ordre mondial actuel bien à lui, une analyse politico-religieuse qui compare les Etats occidentaux actuels à des régimes totalitaires dignes de l'URSS des années 30. "Dans les années 80, les chrétiens de l'Ouest nous ont aidés à combattre le démon du communisme, maintenant nous devons les aider en retour à lutter contre le totalitarisme qui sévit à l'Ouest, contre ce "libéralisme" auto-proclamé, derrière lequel je ne vois que de l'oppression." Même analyse sur le conflit entre Kiev et Moscou, puisqu'à son sens, le peuple ukrainien était opposé à la signature de l'accord commercial avec l'UE (à l'origine de la révolte dans l'est du pays) parce que l'Europe serait "trop tolérante avec les homosexuels". Engagement religieux, conservatisme social et politique sont donc intimement liés dans ses paroles et dans ses actes. En attendant, le gouvernement de Kiev, lui, ne sait plus à quel saint se vouer pour empêcher Konstantin Malofeev de souffler sur les braises du conflit.

>> LIRE AUSSI - Le document qui accable le Kremlin

>> LIRE AUSSI - Où en sont les accords de Minsk 2 ?

>> LIRE AUSSI - Que devient Viktor Ianoukovitch, l'ancien président ukrainien ?