SYNODE - Les évêques réunis au Vatican jusqu’au 19 octobre pour réfléchir sur les questions de famille ont publié un rapport de mi-parcours. Il s’avère plus ouvert qu’attendu sur le mariage civil et les unions homosexuelles.
Bilan de mi-parcours. C’est une intense période de réflexion pour le Vatican. Une réflexion axée autour d’un thème, la famille, qui réunit les évêques en synode au Vatican depuis le 5 octobre dernier. Les débats prendront fin le 19 octobre prochain, mais ce lundi, le cardinal de Budapest, Peter Erdö, a déjà rendu un premier résumé des travaux ecclésiastiques. Un bon indicateur de la direction que l’Eglise souhaite prendre dans le domaine de la famille, sujet délicat au sein de la communauté.
Les conclusions de ce rapport de mi-parcours insistent sur les "valeurs positives" du mariage civil, que le synode considère désormais comme une réalité avec laquelle il faut composer. "Il faut que (…) tout en présentant clairement l’idéal (le mariage religieux), nous indiquions aussi les éléments constructifs de ces situations qui ne correspondent plus ou pas encore à cet idéal", affirme ce rapport. Un document d’une dizaine de pages qui reconnaît aussi des valeurs positives aux unions homosexuelles, des personnes qui "ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne".
Ces conclusions ont "frappé" Ignazio Ingrao, contacté par Europe 1. Le journaliste, spécialiste du Vatican pour le site Fait Religieux, pensait "qu'il n'y aurait pas assez d'évêques pour soutenir ces positions." En effet, le journaliste italien souligne qu'il existe "un certain nombre d'opposants influents à ces déclarations progressistes, comme les cardinaux Scola, Müller ou Dolan, qui ont essayé de pondérer le débat", analyse-t-il.
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Sur la question des unions homosexuelles, le cardinal Erdö a souligné que cela signifiait que "l'identité d'une personne n'était pas déterminée principalement par sa tendance sexuelle". Le texte en effet ne propose pas de modifier la doctrine condamnant l'acte homosexuel, et une unanimité existe pour réserver le terme de "mariage" à l'union d'un homme et d'une femme. Mais, de façon nouvelle, et "sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles", il prend acte notamment "de cas où le soutien réciproque jusqu'au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires".
Polémique. Provisoire, ce texte a suscité aussitôt une avalanche de réactions, parmi lesquelles un certain nombre de désaccords, lors d'un débat très animé lundi. Certains cardinaux, d'Afrique notamment, ont réagi sur les paragraphes concernant les homosexuels de manière critique. "Le drame continue", a ironisé ensuite dans une conférence de presse le cardinal de Manille, Luis Antonio Tagle, saluant au passage "le groupe de héros" qui a réussi à synthétiser des interventions variées. "Envisager des solutions uniques ou s'inspirant de la logique du tout ou rien n'est pas signe de sagesse", a souligné ce rapport d'étape, qui doit être amendé. Ce qui pousse Ignazio Ingrao à rester prudent : "Il reste encore une semaine de débats, la confrontation n’est pas terminée. Mais ce premier rapport est sans nul doute le signe d’une réflexion positive de l’Eglise sur des sujets de société qu’elle ne peut pas ignorer."
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Mgr Bruno Forte, secrétaire spécial du synode, a résumé la mentalité "pragmatique" qui domine: "au lieu de proférer des oui-oui et des non-non, des jugements, il s'agit de comprendre, dans leur complexité, les réalités des familles". Le document a insisté sur l'accueil, sur la nécessité d'un chemin "graduel" pour permettre à ceux qui ne sont pas en règle avec le dogme de se rapprocher de l'Eglise, sur la "conversion du langage" de l'Eglise, qui ne doit pas se contenter de "présenter des règles". L'absence de consensus sur l'accès à la communion des divorcés remariés, principale pomme de discorde, y est reconnue. Pour Ignazio Ingrao, c'est là où le bât blesse pour l'instant : "Avant qu’une vraie réforme soit enclenchée, il faut un débat théologique". C’est là où le synode semble coincer pour le moment, "particulièrement sur le cas de l’accès des divorcés remariés à l’eucharistie, symbole de la relation entre l’Eglise et le Christ."
Le mariage religieux, un acte "vocationnel" et pas "culturel". Le texte insiste beaucoup sur la nécessité de mieux présenter le mariage catholique, afin qu'il ne soit plus considéré "comme une tradition culturelle ou une exigence sociale". Il doit devenir "une décision vocationnelle", affirme ce texte où l'on retrouve des inspirations du pape François. Parallèlement, le mariage civil et la cohabitation sérieuse se trouvent réévalués: "Une nouvelle sensibilité" de l'Eglise cherche à "comprendre la réalité positive des mariages civils, et, compte tenu des différences, des concubinages". Relevant que, pour beaucoup, "se marier est un luxe", et que des unions de fait se nouent souvent dans "l'attente d'une sécurité existentielle", le synode relève dans nombre de celles-ci "des valeurs familiales authentiques".
Samedi, le pape avait nommé six évêques supplémentaires, proches de lui, pour aider à la rédaction du texte. Les conservateurs avaient critiqué ce choix, considéré comme une mesure partisane. Mais au-delà des rapports de force, une question, centrale aux yeux d'Ignazio Ingrao, n'a pas été suffisamment évoquée : "C’est la question de la contraception, qui pourtant devrait être traitée en même temps que la famille", estime le journaliste. Il reste encore une semaine pour les opposants à la libéralisation du dogme de l'Eglise pour faire pencher le synode en leur faveur. La lutte d’influence entre "conservateurs" et "progressistes" au sein de l’Eglise est donc loin d’être terminée.