C'est le pire massacre jamais commis en Afrique du Sud par la police depuis la fin de l'apartheid en 1994. Le pays est sous le choc après la mort d'au moins 34 mineurs grévistes, tués par la police jeudi à la mine de platine Lonmin de Marikana, au nord du pays. Plus de 78 blessés ont aussi été dénombrés, et les autorités ont procédé à 259 arrestations. Le président Jacob Zuma s'est dit "choqué" et "consterné par cette violence insensée". En visite au Mozambique pour un sommet, il doit se rendre sur les lieux du drame vendredi. Il a en outre annoncé la création d'une commission d'enquête.
Des policiers, lourdement armés et munis de véhicules blindés, étaient en train de dresser des barrages de fils barbelés jeudi quand ils ont soudain été débordés par quelque 3.000 employés de la mine. Ils ont alors ouvert le feu.
La fusillade a été brève (les images peuvent choquer) :
Les forces de l'ordre assurent avoir agi en état de légitime défense. "Le groupe des grévistes a chargé en direction de la police, tirant des coups de feu et brandissant des armes dangereuses. Les policiers se sont repliés et ont été forcés d'utiliser la force maximum pour protéger leur vie", a assuré Riah Phiyega, la chef de la police nationale.
Deux syndicats s'affrontent
La zone était toujours bouclée vendredi. A 500 mètres du lieu de la tuerie, environ 2.000 hommes étaient rassemblés et quelques centaines de femmes entonnaient des chants datant de l'apartheid. Certains observateurs ont d'ailleurs fait le parallèle avec le massacre de Shapeville, en 1960. La police avait tué 69 personnes dans une manifestation contre l'apartheid dans ce township situé près de Johanesburg.
Depuis le 10 août, les mineurs de Marikana, dont les conditions de vie sont misérables, ont lancé un mouvement de grève sauvage, sur fond d'affrontements entre deux syndicats rivaux. L'AMCU, un petit syndicat réclame que le salaire des mineurs passe des 4.000 rands par mois, soit 400 euros, à 12.500 rands, soit 1.250 euros. Des heurts ont éclaté entre partisans de l'AMCU et du NUM, le puissant syndicat des mines, faisant déjà dix morts.
"Signe d'une grande tension sociale"
"La violence est devenue un mode opératoire normal dans ce genre de grève", écrit le Mail & Guardian, un hebdomadaire sud-africain. Pour le chercheur en sciences sociales Daniel Silke, la violence des mineurs est plutôt le "signe d'une grande tension sociale en Afrique du Sud". A Marikana, les mineurs sont nombreux à vivre dans des baraquements insalubres sans eau courante, accolés à la mine.
Pour le site African Scene, le massacre était inévitable. "Si la tuerie Lonmin n'avait pas eu lieu aujourd'hui, elle se serait produite le mois prochain, ou l'année prochaine", écrit Richard Stupart, pour qui "l'Etat a rendu progressivement la violence acceptable" et se trouve "en guerre avec ses pauvres".