"Je n'accepterai jamais une présidence fictive". Moncef Marzouki, l’éternel opposant de Zine el Abidine Ben Ali, désigné président de la République tunisienne par l’assemblée nationale constituante lundi, avait d'ores et déjà annoncé la couleur sur la page officielle du parti sur Facebook le 8 décembre. Le leader du Congrès pour la République (CPR), réputé pour son intransigeance et ses talents de tribun, ne fera aucun compromis.
Ce neurologue de formation, né en 1945 à Grombalia, à 40 km au sud-est de Tunis, s'est très tôt engagé en politique pour défendre ses idées. Ardent défenseur des droits de l'homme, il intègre la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) en 1980. Il est alors professeur de médecine à l'Université de Sousse, dans le sud-est du pays.
Candidat contre Ben Ali en 1994
Neuf ans plus tard, Moncef Marzouki prend la tête de la LTDH. En 1994, c'est le tournant. Le médecin décide de porter sa candidature à la l'élection présidentielle du 20 mai. Face à lui, Zine El-Abidine Ben Ali. Moncef Marzouki sait que le scrutin est joué d'avance mais pour lui il s'agit avant tout de "exercer son droit de citoyen et contraindre le dictateur à se démasquer", écrit le site francophone dédié à l'information tunisienne et maghrébine Kapitalis. En vain. Il ne parvient pas à réunir le nombre de signatures nécessaires pour participer au scrutin.
La même année, les partisans de Ben Ali parviennent à l'exclure de la direction de la Ligue des droits de l'homme. Son tort ? Avoir refusé de transiger sur ses principes en fermant les yeux sur la répression des militants du parti islamiste Ennahdha.
Dix ans d'exil
Le harcèlement devient alors incessant. Licencié de son poste de médecin et de professeur à la fac, son combat politique finit par le mener dans les geôles tunisiennes. Privé de passeport dans un premier temps, il est ensuite forcé à l'exil. C'est là, en France, qu'il poursuit le combat contre le régime de Ben Ali.
Le 25 juillet 2001, il fonde le Congrès pour la République, un parti de gauche nationaliste non reconnu par les autorités tunisiennes.
En 2003, il signe la "déclaration de Tunis" avec les islamistes d'Ennahda. Le texte qui ne fait pas mention de la laïcité. Une alliance qui ne manque pas de susciter de vives critiques, à gauche comme à droite.
Il ne refoulera la terre tunisienne qu'après la révolution. Le 17 janvier 2011, après la chute de Ben Ali, Moncef Marzouki annonce sa candidature à l'élection présidentielle et rentre à Tunis dès le lendemain.
Si son positionnement de gauche n'a jamais varié, il s'est en revanche rapproché des islamistes, notamment sur la question de l'identité arabo-musulmane, qu'il a brandie haut et fort pendant la campagne pour les élections.
Ne ménageant pas ses efforts, celui qui a longtemps été un paria en politique, a arpenté la Tunisie pour convaincre les électeurs. "Il a pris le temps d’aller à la rencontre des Tunisiens. Il voulait non seulement se faire connaître mais aussi les connaître", raconte Anaïd de Dieuleveult, photographe présente en Tunisie, à Europe1fr. Partie couvrir la campagne électorale en Tunisie en octobre avec sa consœur, Sonia Benromdhane, elle a été frappée par la simplicité du candidat. "Il échangeait beaucoup avec la foule et toujours sans garde du corps", précise-t-elle.
Au lendemain de l’élection de l'Assemblée constituante, son parti légalisé le 8 mars, réalise le deuxième score en remportant 29 sièges contre 89 à Ennahda. Sa stratégie a payé. Moncef Marzouki va enfin endosser le costume de président.