La phrase. "Regardez l'exemple allemand. Angela Merkel n'est pas à gauche, elle n'est pas socialiste. Pourtant plus de la moitié de l'industrie allemande est à capitaux publics, ou en tout cas il y a des capitaux publics dans le capital des usines", a soutenu le syndicaliste CFDT de Florange, Edouard Martin, mardi matin sur Europe1. Fort de cet argument, il a ainsi plaidé pour un "plan Marshall" en faveur des usines françaises. "La solution passe par l’État. C'est le seul outil qui peut lutter contre un prédateur comme Mittal", a-t-il poursuivi. L'emblématique leader syndical est-il dans le vrai ? Éléments de réponse.
• Plus de la moitié des usines ? Impossible. Pour Isabelle Bourgeois, chargée de recherche au Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (CIRA) et rédactrice en chef de Regards sur l'économie allemande, une telle affirmation "est complètement à côté de la plaque". "Les gouvernements (Etat+Lands) n'ont pas le droit de posséder une usine", explique la spécialiste, contactée par Europe1.fr. "Ils ne procèdent pas non plus à des prises de participation directes dans les entreprises. Ils préfèrent consacrer leur budget pour autre chose, le social par exemple", détaille-t-elle. Et de poursuivre : "l'Allemagne sert de pseudo-argument à ce que l'on veut. On invente des réalités en la citant comme exemple."
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• Quelques exceptions. Si la capitalisation publique est loin d'être monnaie courante outre-Rhin, quelques rares entreprises dérogent tout de même à la règle. "Volkswagen est la grande exception dans l'industrie, précise Isabelle Bourgeois. Le gouvernement de Basse-Saxe possède une part, non majoritaire, dans le groupe automobile. C'est une participation qui remonte loin dans l'Histoire du pays, et qui se justifie par l'importance économique de l'entreprise." Hors industrie, la Commerce bank a également bénéficié d'une "étatisation transitoire", en raison du risque pour l'économie allemande toute entière qu'aurait entrainé sa faillite après la crise des subprimes. Mais la banque commence à rembourser ses dettes à l'Etat, qui devrait bientôt se retirer du capital.
• Une ribambelle d'aides publiques. "Édouard Martin confond participation et aide publique. Les gouvernements allemands mènent plutôt une politique visant à créer un environnement favorable pour les entreprises", explique Isabelle Bourgeois. Et la spécialiste de citer des aides comme des "crédits bonifiés" aux entreprises ou encore la "longue liste de subventions à la recherche, à l'environnement ou encore à l'emploi". "Mais cela ne consiste même pas en un prélude d'étatisation. Il y a une différence entre mettre à disposition de l'argent, qu'une entreprise à la liberté d'utiliser ou non, et placer de l'argent dans une entreprise pour ensuite la contrôler", précise la spécialiste.
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• L'Allemagne, championne des subventions ? Selon l'Ambassade de France outre-Rhin, l'Allemagne est tout de même le pays européen qui dépense le plus en subventions envers l'industrie : 16,2 milliards d'euros par an, quand la France en dépense 9,8, le Royaume-Uni 6,2, l'Espagne 5,4 et l'Italie 5,1. "Mais il faut se rappeler qu'en valeur absolue, l'industrie allemande a une taille deux fois plus élevée que l'industrie française, ce qui revient à dire que l'intensité relative de ces subventions est grosso modo du même ordre dans les deux pays", précise toutefois Rémi Lallement, chargé de mission au Centre d'analyse stratégique (CAS), spécialiste de l'Allemagne. "Mais les chiffres sur les subventions varient du simple au triple, selon les études. Et aucun ne confirme que cela concerne plus de la moitié des usines", conclu Isabelle Bourgeois.