Aucun commentaire, les négociations reprendront vers 13h heures locales (17h GMT). C'est tout ce qui a pu ressortir de la réunion entre gouvernement et dirigeants étudiants du Québec, lundi soir. Ils ont entamé des négociations cruciales, pour tenter de dénouer le conflit qui les divise depuis près de 4 mois.
La Fecq, la Feuq et la Classe, les trois principales associations syndicales, avaient toutes trois un objectif clair : mettre sur la table à la fois la question des hausses des frais de scolarité et celle de la loi 78, qui limite le droit de manifester et déchire la société québécoise depuis son adoption il y a dix jours.
Mais elles ne sont pas parvenues, avant la réunion, à s'entendre sur des revendications précises. La Classe, plus radicale, combat toute hausse des frais de scolarité tandis que les deux autres seraient plus ouvertes à une hausse modérée.
"Le Québec est dans un char"
Les pourparlers ont été suspendus en fin de soirée après huit heures de discussions interrompues seulement par une petite pause pour dîner.
Rien n'a transpiré sur leur déroulement, l'ambiance et les sujets abordés. Premier des leaders étudiants à quitter les lieux, Léo Bureau-Blouin, président de la Fecq, s'est abstenu de tout commentaire, conformément à un accord entre tous les participants.
D'autant que celui-ci a été vite préoccupé par un autre évènement. Au même moment, tout près de là, la police était en train d'arrêter 84 manifestants étudiants, qui défilaient dans les rues de Québec, vers l'Assemblée nationale et autour du lieu des négociations.
"Manifestants et anti-émeute se regardent dans les yeux, la tension monte", twitte à ce moment là le journaliste local Nicolas Lachance. "J'me sens comme si le Québec est dans un char et que le gars qui a les deux mains sur le volant est complètement saoul", renchérit un internaute local.
Léo Bureau-Blouin a bien tenté de s'y rendre et d'empêcher les arrestations en négociant avec la police. "On veut éviter aujourd'hui qu'il y ait des manifestations. Je suis allé parler aux agents et ils nous ont laissé la chance de se disperser. Je fais appel à la raison de tous. On est en discussion. Si on peut éviter que ça vire mal... On a la chance de démontrer qu'on est plus intelligent que tout le monde", a-t-il ensuite déclaré à la foule.
"Ca sent la fin des négos"
Mais rien n'y a fait. "Nous avons procédé à 84 arrestations pour entrave à la circulation", a indiqué une policière. Autrement dit, en créant un attroupement, les jeunes gens, qui ont eu les mains liées dans le dos avec des fils de plastique blancs avant d'être placés à bord d'autobus, ont commis une infraction au code de la route, punie d'une amende de quelque 400 dollars, sans inscription au casier judiciaire.
Et parmi les arrestations, l'une d'elle fait déjà plus polémique que les autres. Justin Arcand et Philippe Lapointe, deux négociateurs de la Classe, auraient été interpellés, selon plusieurs sources sur place. Le premier était encore en garde à vue à 7h heure parisienne, selon le syndicat étudiant. "La situation est surréaliste. On veut trouver une sortie de crise, mais on arrête un négociateur s'énerve-t-il dans un tweet. Ca suffit les négociations arbitraires!"
" C'était vraiment le moment, ce soir, pour la police, de multiplier les arrestations ? Quand les forces de l'ordre créent le désordre ...", a twitté à son tour le sociologue et chroniqueur local Mathieu Bock-Côté. "Ca sent la fin des négos", conclut peu optimiste le blogueur Laurent Gloaguen installé sur place.
Les avocats manifestent aussi
Le conflit, qui dure depuis quatre mois, porte principalement sur la hausse des frais de scolarité. Ils doivent augmenter de 1.780 dollars sur sept ans (environ 254 dollars/an) pour atteindre près de 4.000 dollars par année, plus près de la moyenne nord-américaine.
Les étudiants protestent également contre la loi d'encadrement des grèves, qui prévoit notamment de prévenir en avance les forces de l'ordre de tout rassemblement de plus de 50 personnes. Elle suspend aussi les cours dans les établissements en grève jusqu'à mi-août, dans le but de faire baisser la tension et prévoit aussi de très lourdes amendes pour les organisateurs de manifestations destinées à empêcher le fonctionnement normal des universités.
Lundi soir, quelques centaines d'avocats, dont beaucoup en toge noire avec rabat blanc réglementaire, ont d'ailleurs marché en silence à Montréal pour protester contre ce qu'ils considèrent comme une atteinte à la liberté de manifestation et qui mine, selon eux, la confiance du public dans les institutions, y compris judiciaires. La manifestation au son de casseroles qui a suivi s'est déroulée pacifiquement, sans incident.