La Norvège doit-elle s’inquiéter du terrorisme d’extrême-droite ? Alors que la sécurité intérieure du pays redoutait principalement une attaque islamiste sur son sol, ne considérant pas l'extrême-droite comme une "menace sérieuse", le principal suspect dans la double attaque sanglante perpétrée vendredi en Norvège est en réalité un ancien membre de la formation de la droite populiste, le parti du Progrès (FrP), a annoncé le parti samedi.
Rien n’indique pour l’instant s’il a agi de manière isolée ou non, mais le suspect, auteur de blogs critiquant le multiculturalisme et l'Islam, est décrit comme un "fondamentaliste chrétien". Le Premier ministre norvégien souhaite toutefois calmer le jeu.
"Le choix des sites ne colle pas avec l'extrême-droite"
Dès sa conférence de presse samedi matin, Jens Stoltenberg, le Premier ministre norvégien a voulu couper court à tout début de polémique, expliquant que le gouvernement et la police n'ont pas été pris en défaut, et ne sont pas passés à côté d'une menace qu'ils auraient pu prévoir.
"Comparé à d'autres pays, je ne dirais pas que nous avons un gros problème avec l'extrême-droite en Norvège. Mais nous avons eu certains groupes, nous les avons surveillés par le passé, et notre police le sait, elle connait l'existence de ces groupes extrémistes dans le pays. Mais je veux bien insister sur une chose, nous n'allons pas faire de spéculation, nous allons attendre les résultats de l'enquête de police avant d'en dire plus à ce sujet", a-t-il affirmé.
Interrogé par Europe 1, Cyrille Coulet, chercheur spécialiste de la Norvège écarte la piste du terrorisme d'extrême-droite. "Le choix des sites ne colle pas avec les groupes d'extrême-droite. On est sur quelque chose qui semble marginal, le mode opératoire, le fait qu'on se retrouverait avec une personne seule ou même éventuellement avec un complice, en tout cas pas une cellule à proprement parler. La cible traditionnelle des mouvements d'extrême droite sont les communautés étrangères, ce n'est pas le gouvernement ou un parti politique", a-t-il souligné. Pour le chercheur, il s'agit plutôt d'"une personne déséquilibrée".
Une menace sous-estimée ?
Seulement maintenant, il y a un vrai malaise en Norvège, où l'extrême-droite connaît un succès grandissant. En effet, à lire le rapport du PST (le service de renseignement norvégien) daté de 2011, le décalage est de taille avec la tuerie perpétrée dans un camp d'été de la jeunesse travailliste sur l'île d'Utoeya près d'Oslo et la violente explosion d'une bombe dans le centre-ville.
"Comme les années précédentes, les groupuscules d'extrême-droite et d'extrême-gauche ne représentent pas une menace sérieuse pour la société norvégienne en 2011", explique le rapport d'"évaluation des menaces".
Mais voilà, jusqu'en 2007, le suspect Anders Behring Breivik a appartenu au second parti du pays, le parti du Progrès (FrP) le principal parti d'opposition. Un parti qui a 40 députés au parlement et qui a recueilli plus de 20% des suffrages aux dernières élections législatives. Mais c'est aussi un parti qui véhicule les idées d'extrême-droite. Un parti dont le suspect a été un membre actif. Ses victimes faisaient quant à elles toutes parties des jeunes du parti travailliste, le camp opposé.
Un problème à l’échelle européenne ?
Les polices européennes s'inquiètent depuis un moment de la montée des idées d'extrême-droite, alimentées par un mélange toxique d'islamophobie, de racisme anti-immigrés et de difficultés sociales. "Il y a eu une augmentation de l'activité des groupes d'extrême-droite en 2010, et cette activité devrait se poursuivre en 2011", ont quand même noté les renseignements norvégiens dans leur dernier rapport.
En 2010, Interpol a estimé dans un rapport sur la sécurité qu'il n'y avait pas à cette époque de mouvement terroriste d'extrême-droite sur le continent. Le rapport relève toutefois la professionnalisation croissante de l'extrême-droite, notamment dans la production de propagande antisémite et xénophobe, ainsi que sa présence accrue sur les réseaux sociaux.
La principale inquiétude des polices européennes était jusqu'à présent les affrontements entre militants d'extrême-droite et d'extrême-gauche en marge de rassemblements publics de groupuscules extrémistes.