OGM : le double-jeu de l'Allemagne ?

Un nouveau maïs OGM, le TC1507, va être autorisé à la culture dans l'UE malgré l'opposition de 19 pays et du Parlement européen
Un nouveau maïs OGM, le TC1507, va être autorisé à la culture dans l'UE malgré l'opposition de 19 pays et du Parlement européen © REUTERS
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NI OUI NI NON - En s'abstenant, Berlin ouvre la voie à la culture d'un maïs transgénique en Europe. Culture interdite sur son propre territoire.

Abstention. L'Allemagne n'est pas si écologiste que ça. Faute de "majorité qualifiée" entre les Etats membres de l'Union européenne, un deuxième maïs OGM devrait bientôt être cultivé sur le Vieux-continent, après celui de Monsanto. Les 27 ne sont pas parvenus mardi à se mettre d'accord pour interdire le maïs TC1507 de l'Américain Pionner, à l'issue d'un débat public entre les ministres des Affaires européennes, à Bruxelles. La faute notamment à Berlin, qui ne s'est pas prononcée. Résultat : la décision revient à la Commission européenne, qui s'est déjà prononcée en faveur de la culture de la céréale controversée.

Comment Berlin a fait pencher la balance. Pour interdire la culture de cet OGM, il aurait fallu dégager une "majorité qualifiée" au sein du Conseil européen. Mais l'Allemagne, en choisissant de s'abstenir, a fait capoter ce projet souhaité par Paris. Les abstentions de Berlin (29 voix), de la Belgique (12 voix), du Portugal (12 voix) et de la République Tchèque (12 voix) ont en effet manqué pour atteindre la majorité de 260 voix.

Mathématiquement, les voix de l'Allemagne n'auraient certes pas suffi. Mais le choix de Berlin "aurait pu changer la donne", regrette un diplomate européen cité par La Tribune. Car l'enjeu était de "rallier les autres abstentionnistes et de convaincre la Roumanie (14 voix) prête à changer son vote de pour à contre", selon ce diplomate.

>> Comment expliquer ce manque d'engagement de l'Allemagne, qui interdit pourtant la culture d'OGM sur son territoire ? Éléments de réponses.

Pas de consensus en Allemagne. "Le gouvernement (allemand) a décidé de s'abstenir lors du vote sur l'autorisation de ce maïs OGM TC1507. C'est la procédure habituelle quand il y a des avis divergents entre les ministères au sein du gouvernement sur un dossier ou sur un sujet", avait expliqué le porte-parole du gouvernement d'Angela Merkel, Steffen Seibert, le 5 février. En effet, au sein de la coalition allemande au pouvoir, les avis sont loin d'être les mêmes.

Angela Merkel

© REUTERS

"Les ministres de la Santé et de la Recherche ainsi que la chancelière Angela Merkel (tous trois membres de la CDU, conservatrice) sont plutôt pour la culture des OGM. D'autres, comme le ministre de l'Agriculture Hans-Peter Friedrich (de centre-droit) sont plutôt contre. Or, l'Allemagne est un pays démocratique : on accepte une décision lorsqu'il y a consensus. En l'absence de consensus, il y a abstention", décrypte pour Europe1.fr Isabelle Bourgeois, chargée de recherche au Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (CIRAC) et rédactrice en chef de Regards sur l'économie allemande.

Un débat loin d'être clos Outre-Rhin. Pourtant, Berlin semblait, depuis quelques années, rangée du côté des anti-OGM. En avril 2009, l'Allemagne suspendait en effet toute culture de maïs transgénique sur son territoire. "Ce n'est pas une décision politique. Elle a été prise dans l'intérêt de l'environnement (...) nous avons mené une étude rigoureuse pour peser le pour et le contre", défendait alors la ministre de l'Agriculture de l'époque, Ilse Aigner. Mais à l'époque, la décision avait bien été perçue comme stratégique, à quelques mois des élections européennes et législatives, comme le décrivait le Spiegel Online.

Une manifestation anti-OGM vers Broderstorf, en Allemagne, en 2007

"Pour l'instant, la culture est suspendue en Allemagne. Mais le débat n'est pas fermé. Les ministres partisans des OGM sont ouverts à une culture, même sur le territoire allemand. Ils estiment que cela peut faire progresser la recherche et qu'aucun effets néfastes sur la santé est avéré", assure Isabelle Bourgeois. "Le problème, en Allemagne, c'est qu'il y a un double regard sur la biotechnologie. Elle est très appréciée dans le domaine de la santé. Mais les Allemands en ont une image négative dans l'alimentaire, image cultivée par les ONG", poursuit l'experte.

Une pression des lobbies ? L'Allemagne doit également composer avec le poids de puissants lobbies de l'agroalimentaire, qui n'hésitent pas à intervenir dans le débat. On se souvient notamment de la polémique autour de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, chargée des avis scientifiques sur les OGM en Europe, qui comportait dans son conseil d'administration un membre de BVE, l'un des principaux lobbies allemands. "En s'abstenant, l'Allemagne donne l'impression d'être neutre. Mais Merkel mène une politique contre le peuple et pour l'industrie agrochimique. C'est une décision dominée par l'économie et l'argent", déplore ainsi Dirk Zimmermman, expert OGM chez Greenpeace Allemagne, contacté par Europe1.fr. Mais jusqu'à quel point sont-ils influents ?

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En Allemagne, "pas de principe de précaution". Greenpeace le reconnaît : en Allemagne, il n'y a pas de preuve de conflits d'intérêts entre les dirigeants et l'industrie. "Il y a des pressions en Allemagne comme partout dans le monde. Mais il ne faut pas surestimer le poids des lobbies. En Allemagne, il est contrebalancé par un débat et une activité scientifique d'une ampleur inimaginable en France", assure de son côté Isabelle Bourgeois.

"Ce qu'il faut savoir, avant tout, c'est qu'en Allemagne : le principe de précaution, le fait de refuser une chose avant même de savoir si elle peut être nocive, ça n'existe pas", poursuit la spécialiste, pour qui "c'est là la clé de la décision allemande". Si le principe de précaution n'existe pas, en effet, le choix des dirigeants de ne pas interdire la culture des OGM et de s'abstenir "n'est donc pas dramatique" pour les Allemands, conclut la spécialiste.

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