L'INFO. "Ces images m'ont laissée dubitative". Les retrouvailles entre les quatre ex-otages du Mali et leurs familles sur l'aéroport militaire de Villacoublay mercredi ont suscité un certain "malaise" chez Marine Le Pen. La présidente du FN a clairement fait allusion, jeudi sur Europe 1, à leur islamisation. "On avait l'impression d'avoir des images d'hommes qui étaient très réservés, c'est le moins qu'on puisse dire. Les deux qui portaient la barbe taillée d'une manière assez étonnante, l'habillement était étrange (…) Cet otage avec le chèche sur le visage... Tout ça mérite peut-être quelques explications de leur part", a-t-elle affirmé déclenchant une polémique. Jeudi midi sur RTL, elle a plaidé la "maladresse".
>>> Pierre Martinet, ancien sous-officier et ancien agent de la DGSE, a été otage en Libye. Il répond sur Europe 1 aux propos de la présidente du FN.
Leur attitude. Après trois années de captivité, les ex-otages d'Arlit se sont retrouvés face à un parterre de caméras et de photographes ainsi que de nombreux membres de leur famille. Une joie mais aussi une épreuve difficile à gérer émotionnellement. "Je comprends très bien l'attitude qu'on peut avoir lorsqu'on revient d'une détention. C'est une épreuve qui a duré trois ans donc c'est très compliqué à gérer. Je n'ai pas été choqué par leur attitude. Chacun réagit différemment. Il y en a un qui était souriant. Les autres étaient fermés. Chacun réagit en fonction de sa personnalité, de sa perception. Il y a beaucoup de paramètres qui sont liés à leurs qualités morales, psychologiques", a affirmé, jeudi, Pierre Martinet sur Europe 1.
Leur mutisme. Sur le tarmac, les otages, en compagnie de François Hollande, ont préféré rester muets. "Je n'ai pas le sentiment qu'il faille absolument les entendre parce que ça va faire augmenter la côte de popularité financière des otages sur place. En France, on prend ce problème par le mauvais bout", déplore cet ex-agent de la DGSE. "Il ne faut pas que ce soit le président de la République qui gère ça. Il faut que ce soit les services ou une société privé, comme le font les anglo-saxons. Là bas, ça se passe beaucoup plus simplement, discrètement et ça n'augmente pas le tarif d'un otage. Les Français sont aujourd'hui une monnaie d'échange très importante et cela permet de financer les autres groupes", a expliqué Pierre Martinet.
Leur mutisme s'explique aussi en partie parce qu'ils vont être débriefés par la DGSE. "Il faut les laisser tranquilles. C'est très important d'avoir leurs sentiments et les informations qu'ils ont pu avoir. Il y a la mémoire courte, la mémoire longue et il y a des informations qui vont revenir plus tard. Il faudra faire des recoupements, les analyser", a témoigné Pierre Martinet qui connaît les mécanismes post-libération.
Leur tenue. La présidente du FN a mis en cause leur tenue à leur arrivée en France. "Primo : le chèche, c'est obligatoire dans le désert. Si on ne l'a pas, on ne tient pas. La barbe ? Il n'y a pas d'eau donc on ne se rase pas. Peut être qu'ils vont l'enlever dans deux ou trois jours. Peut être qu'ils ont fait une nuit blanche", a-t-il tenté d'expliquer. "La nuit où l'on a été libérés, on était au Caire et on n'a pas dormi de la nuit. On n'a pas pensé à se raser la barbe", a-t-il ajouté, faisant allusion à sa propre libération.
Ont-ils été "retournés" ? Implicitement, la présidente du FN a fait allusion à un possiblement "retournement" des otages. En clair, qu'ils se soient convertis ou aient adhérés à l'islam au contact de leurs geôliers. "C'est le syndrome de Stockholm", a expliqué Pierre Martinet. "Moi je suis rentré, j'étais barbu. J'ai toujours porté le chèche que j'avais autour de mon cou quand j'étais otage. Tout est possible. Il ne faut pas non plus écarter certaines possibilités mais il ne faut pas non plus faire des plans sur la comète sans savoir. Il faut laisser revenir à la réalité d'un pays comme le nôtre. Ils vont être accompagnés et on va voir ce qu'il en découle", a affirmé Pierre Martinet.
Lors de sa captivité, lui a constaté tout au plus un rapprochement avec ses geôliers qui se fait "petit à petit". "En ce qui me concerne, les trois premiers jours ont été extrêmement violents parce qu'on a été torturés, interrogés, avec simulacres d'exécution. J'étais avec quatre personnes dans ma geôle et ils faisaient les cinq prières par 24 heures. Je me suis interrogé. Je leur ai posé des questions. Je voulais avoir la vision de l'islam actuel. Leurs réactions étaient assez violentes mais personne ne m'a imposé quoi que ce soit", a-t-il assuré.
Solidaires des autres otages ? Selon la mère de Pierre Legrand, les otages ont gardé "barbe et chèche" en signe de "solidarité" avec les "autres otages restés là-bas". "Ça leur appartient, on a trouvé ça très touchant qu'ils se sentent solidaires des autres", a assuré Pascale Robert sur iTélé. "Ce ne sont pas des personnalités médiatiques. "Être projeté comme ça devant les médias, ce n'est tout simplement pas évident", a-t-elle insisté.