Dès mercredi soir, la rumeur d'une libération des sept otages au Cameroun circulait dans de nombreuses rédactions. Jeudi matin, elle a pris corps via une source militaire camerounaise, reprise par l'Agence France Presse, qui assurait d'une issue heureuse, 18 heures après cet enlèvement. Après de multiples informations et démentis, Paris a officiellement mis fin à cet imbroglio entre la France, le Cameroun et le Nigeria puisqu'il n'y a, à l'heure actuelle, aucun indice qui confirme une libération des otages.
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Pourquoi une telle confusion ? La confusion, c'est le choc entre la quasi-confirmation de la part d'un ministre de la République (Kader Arif l'a annoncé à l'Assemblée avant de se rétracter, ndlr) et l'emballement médiatique derrière. Alors pourquoi ? Nous sommes en Afrique. Et sans vouloir caricaturer, le verbe est très libre, exubérant. Il y a parfois un rapport à la réalité stricte, rationnelle, qui n'est pas exactement la même que nous.
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Sur le conflit au Mali, il y a quelques semaines, on a passé une journée sur le thème : 'les forces spéciales françaises sont au corps-à-corps avec les djihadistes'. C'était totalement bidon. C'est parti du fait qu'un officier malien qui avait eu l'information selon laquelle les Français étaient au 'contact' des combattants djihadistes. Ce 'contact' est devenu corps-à-corps. Une dépêche AFP est partie là-dessus et on en a eu toute la journée.
Cette confusion est-elle aussi liée aux tensions entre le Cameroun et le Nigeria, pays où ont été conduits les otages ? Les deux pays n'ont pas des relations extrêmement amicales. Puisque la rumeur est partie du Cameroun, vous comprenez bien que les autorités camerounaises et l'armée se sentent extrêmement humiliées par cette affaire puisque toute la planète, dont la France, s'est penchée sur ce dossier.
Cette annonce d'une libération par ce militaire camerounais, ça part d'un bon sentiment sauf qu'on ne peut pas faire de bons sentiments sur une affaire aussi grave. Surtout lorsqu'on connaît les répercussions sur les familles. Dans les propos qu'il a tenus, il a peut-être exprimé un désir à partir d'embryons d'informations non vérifiées.
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Comment pourra-t-on être sûr d'une libération ? Il faudrait que l'ambassadeur de France au Nigeria ou au Cameroun soit à côté d'eux. Et à ce moment-là, que ces diplomates puissent informer les autorités en disant : 'ils sont avec moi'. En général, un ambassadeur ne se déplace pas seul dans ces conditions là. Il a des gendarmes de l'ambassade qui sont avec lui et puis, il y a des forces spéciales au cas où il faudrait sécuriser l'environnement. La confirmation, c'est quand ces citoyens français sont en terre française, c'est-à-dire dans l'ambassade de France du pays étranger ou dans un avion.
Rappelez-vous en Irak, le numéro deux des services secrets italiens était allé sur place pour la libération d'une journaliste italienne qui avait été capturée. Il y avait eu des négociations. Ils avaient pu confirmer aux autorités italiennes que la journaliste était libérée. Mais sur le chemin du retour, dans l'euphorie, ils n'ont pas fait suffisamment attention et se sont fait 'allumer'. Le numéro 2 des services secrets italiens a été tué et la journaliste a pris une balle dans l'épaule. Tant que les otages ne sont pas dans un lieu totalement sécurisé, il peut toujours y avoir un doute.