Il n’aura fallu que quatre jours. Quatre jours pour que les forces pro-Ouattara atteignent Abidjan et que le système de Laurent Gbagbo s’effondre. Comment expliquer un tel retournement de situation ? Eléments de réponse avec Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique et ex-directeur de la Lettre du continent.
Comment expliquer le retournement de situation aussi rapide en faveur d’Alassane Ouattara ? Au début de l’année, Alassane Ouattara a demandé l’intervention de la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Aucun accord n’a pu être trouvé parce que le Nigeria et le Burkina Faso soutenaient Alassane Ouattara alors que l’Afrique du Sud était pour Laurent Gbagbo.
Alassane Ouattara a alors compris qu’il n’y aurait pas d’intervention extérieure. L’option qui a été choisie par la communauté internationale a donc été d’aider ses troupes à s’équiper. Aujourd'hui, les forces loyales ont des armes lourdes, du matériel tout neuf. Il y a certainement eu également une coordination stratégique. Les forces pro-Ouattara sont descendues du Nord vers Abidjan comme un seul homme. Tout ça semble extrêmement bien organisé. Il y a certainement la main invisible de la communauté internationale qui a aidé à cet encerclement. Cela fait des semaines que l’attention est détournée par ce qui se passe en Libye.
Y-a-t-il un risque de représailles ? Ce n’est pas un hasard si la France et le Nigeria ont multiplié les projets de résolutions au Conseil de sécurité de l’ONU. Il y en a eu presque chaque semaine, notamment l’adoption de sanctions contre Laurent Gbagbo et ses proches pour provoquer des défections. Il n’y a presque plus de tirs à l’arme lourde.
La force licorne est aussi là pour geler la situation sur le terrain. Pour éviter qu’il n’y ait des tentatives de représailles contre les étrangers et les Français, les troupes ont été très vite déployées.
Quels sont les soutiens de Laurent Gbagbo ? Il a perdu tous ses soutiens sur le plan diplomatiques y compris en Afrique. Pendant longtemps, Laurent Gbagbo pouvait compter sur l’Angola pour l’alimenter en pétrole brut. Même l’Afrique du Sud a fini par reconnaître Alassane Ouattara… Ses officiers supérieurs ont aussi très bien compris que la messe était dite. L’étranglement financier a fini par payer.
Y a-t-il encore des portes de sortie pour le président sortant ? Il n’y a pas de porte de sortie. Laurent Gbagbo s’est maintenu au pouvoir pendant une dizaine d’années, sans élection, a toujours dit qu’il se maintiendrait au pouvoir quoi qu’il arrive. Soit il décide de mourir en martyr dans son palais présidentiel, soit il choisit l’exil. Des pays comme l’Afrique du Sud lui ont proposé de l’accueillir. Mais je crois qu’il n’y a pas de porte de sortie, il est prêt à mourir pour sa cause.
Comment Alassane Ouattara va-t-il pouvoir reconstruire le pays ? La tâche s’annonce très difficile. Il a promis d’organiser un gouvernement d’union nationale mais il aura beaucoup de mal à diriger un pays où la crise a accentué les divisions du pays. A Abidjan, la majorité de l’électorat était pro-Gbagbo. Malgré tout, il y a une réelle lassitude. 80% des Ivoiriens sont allés aux urnes. Ils ne veulent plus des armes.