LA LOI. "Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas chez vous". Ces mots, c’est le président ougandais Yoweri Museveni qui les a prononcés lundi à l’adresse des homosexuels, alors qu’il était en train de promulguer une loi très controversée, qui durcit encore la répression contre les gays dans son pays. Dans ce pays où des relations entre deux personnes du même sexe pouvaient déjà valoir la prison à vie, toute "promotion" de l’homosexualité est dorénavant interdite, et la dénonciation de quiconque s’affichant comme gay est obligatoire. Europe1.fr a demandé à "Bi"*, un militant ougandais d’une association de défense des droits des homosexuels, ce que cette loi allait changer.
"Tout le monde a peur". "Bi", coordinateur au sein de Gala Initiative Uganda, une association qui vise à "améliorer" la vie des homosexuels, bisexuels et transgenres dans le pays, explique à Europe1.fr que la promulgation de cette loi lui "déchire le cœur". En revanche, il ne sait pas encore précisément qui risque d’être arrêté au sein des quelques organisations ougandaises. "Aujourd’hui, tout le monde a peur" et les activités de son association ont été suspendues. Le gros problème, selon lui, concerne le Sida. Car les personnes contaminées ne vont plus oser aller se faire soigner, souligne-t-il.
Le président Museveni en train de promulguer la loi :
Un "tabou" et une "abomination". Dans l’esprit de la majorité des Ougandais, l’homosexualité est un "tabou" et une "abomination". "Un homosexuel n’est pas vu comme une personne : c’est un animal, une bête", dénonce le militant. Si un voisin "se rend compte que vous êtes homosexuel, il interdira à ses enfants de vous approcher". Cette mentalité, on la retrouve dans les propos du président Museveni, chrétien évangélique, pour qui l’homosexualité est "provoquée par des groupes occidentaux arrogants et inconscients". Aujourd’hui, explique tristement "Bi", être homosexuel en Ouganda, cela signifie "risquer d’être tué, kidnappé ou encore mis en prison".
Des dénonciations dans les médias. Dans les médias ougandais, on découvre régulièrement des listes de personnes dénoncées comme étant gay, avec "leur nom, leur travail". Des dénonciations aux conséquences souvent dramatiques, comme en 2011, quand un magazine local a publié une liste de cent personnes homosexuelles, avec leurs photos et leurs adresses, avec cette mention : "pendez-les". David Kito Kisule, l’un des militants les plus actifs de la communauté gay ougandaise, figurait sur la liste. Il porte plainte contre le journal et obtient réparation. Mais quelques mois, il était battu à mort chez lui, raconte le New York Times.
Des militants anti-gay réagissent après la promulgation de la loi :
Licenciés et expulsés. Ces dénonciations dans les journaux inquiètent "Bi". Lui a déjà été licencié de son dernier emploi, et n’a jamais réussi à en retrouver un. Avec la nouvelle loi, de plus en plus d’homosexuels risquent de se retrouver au chômage. Et de perdre leur logement : à partir du moment où une personne aura été pointée du doigt comme étant gay, "son propriétaire devra l’expulser", sous peine de finir lui-même en prison. Quant aux rares lieux où les gays pouvaient se retrouver, "Bi" ne pense pas qu’ils resteront ouverts très longtemps.
Il ne peut même pas fuir. Malgré les déclarations de dirigeants occidentaux, comme Barack Obama qui a condamné la promulgation de la loi, "Bi" ne croit pas à un revirement du gouvernement. En Ouganda, "personne ne risquera une peine de prison à vie pour faire changer la loi". Et quand "Bi" évoque son propre avenir, sa voix flanche soudain : "nous pensions qu’il y avait encore de l’espoir, nous n’étions pas préparés". Comme bon nombre d’Ougandais, il n’a pas les moyens d’aller se réfugier à l’étranger. Moyennant une vingtaine de dollars, il pourrait bien se rendre au Kenya voisin, mais à quoi bon ? Le pays est "encore plus homophobe que l’Ouganda". On y punit également les relations homosexuelles, comme dans près de trois-quarts des pays d’Afrique.
*Pour des raisons de sécurité, il préfère rester anonyme.
AFRIQUE DE L'OUEST - Le Nigeria restreint les droits des homosexuels