Rimsha est sortie de prison. Accusée d'avoir profané le Coran, cette jeune Pakistanaise, chrétienne, emprisonnée depuis trois semaines, a obtenu vendredi d'être libérée sous caution. Mais la justice doit encore se prononcer sur le fond de l'affaire, qui a suscité une vive émotion.
"Elle a quitté la prison, elle a été transportée par hélicoptère dans un lieu sûr où elle restera avec sa famille", a déclaré Paul Bhatti, ministre pakistanais de l'Harmonie nationale, responsable des relations entre la majorité musulmane et les minorités. Un photographe de l'AFP a vu l'hélicoptère quitter vers 17h30 (12h30 GMT) la prison de Rawalpindi, ville jumelle de la capitale Islamabad. Ses avocats avaient rempli samedi dans la matinée les documents légaux pour assurer sa libération, y compris une garantie de paiement d'un million de roupies (environ 8.300 euros) si elle ne se présentait pas devant un tribunal à la demande de la justice.
L'acceptation par la justice de sa libération sous caution est déjà un bon signe selon l'avocat de l'adolescente de 14 ans. C'est en effet la première fois qu'une personne devant répondre de blasphème, une offense pour laquelle la loi pakistanaise prévoit jusqu'à la peine de mort ou la prison à vie, bénéficie d'une telle mesure.
Soutenue à l'étranger
L'histoire de cette jeune fille illettrée, accusée d'avoir brûlé des versets du Coran à Mehrabad, un quartier pauvre d'Islamabad, a suscité l'émoi au Pakistan et fait le tour du monde. L'adolescente a reçu le soutien de dignitaires musulmans du pays. Le Vatican, la France et les États-Unis ont fait part de leur inquiétude à son sujet.
L'affaire a en outre connu un rebondissement spectaculaire le week-end dernier. La police a en effet écroué l'imam de la mosquée voisine, accusé d'avoir lui-même introduit des pages du Coran dans les feuilles brûlées apportées par un voisin. Son but présumé : faire "expulser" les chrétiens du quartier, pour des raisons religieuses, mais aussi foncières. Depuis que le scandale a éclaté, des centaines de familles chrétiennes ont en effet fui le quartier.
"Nous savons être justes"
Paul Bhatti, le ministre pakistanais de l'Harmonie nationale, s'est réjoui de la décision de libérer Rimsha. "Justice a été faite", a-t-il réagi. "Cette décision est un message clair aux gens à l'étranger que nous savons être juste, peu importe qu'il s'agisse du cas d'un musulman ou d'un chrétien", a ajouté le ministre.
L'ONG Human Rights Watch a également salué la libération de la jeune fille, exhortant le gouvernement à "assurer sa sécurité après sa sortie de prison". L'organisation demande aussi un réexamen de la très sévère loi sur le blasphème, à laquelle les musulmans radicaux sont très attachés.
L'enquête de police toujours en cours
Malgré cette décision favorable, Rimsha n'est toutefois pas au bout de ses peines et l'affaire est loin d'être terminée. La justice doit se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence, et l'enquête de police est toujours en cours. D'après son avocat, l'adolescente devra encore patienter, au moins trois ou quatre mois, avant sa prochaine audience au tribunal.