Salaires trop élevés et bonus faramineux : en Suisse aussi, la rémunération des grands patrons fait débat. A tel point que les Helvètes sont appelés aux urnes dimanche sur ces "rémunérations abusives", un texte soumis à une votation populaire. Comme le permet la loi dans le pays, si 100.000 citoyens signent une initiative populaire visant à modifier la loi, sur proposition de l’un d’entre eux, alors la mesure est soumise au vote. Le texte soumis dimanche vise à renforcer les droits des actionnaires pour encadrer les rémunérations. Une petite révolution qui est loin de réjouir le gouvernement. Dimanche midi, les premières projections tablaient sur une victoire du "oui" à l'interdiction des parachutes dorés.
D’où vient cette idée ? Thomas Minder, un sénateur et entrepreneur qui a donné son nom à l’initiative, s’intéresse au sujet depuis plus de dix ans. Sa propre PME, spécialisée dans les soins buccaux et capillaires, a bien failli couler lors de la faillite de Swissair, alors que le tout nouveau patron de la compagnie venait d’empocher un généreux bonus d’arrivée, rapportent Les Échos. Pour lui, les dérapages salariaux des grands patrons s’expliquent par l’inaction des conseils d’administration, "incapables de contrôler les salaires de la direction".
>> A lire aussi : L'exil fiscal en Suisse plus compliqué
Ce qui est proposé. C’est pourquoi Thomas Minder entend donner aux actionnaires le pouvoir de décider des salaires de la direction. Il ne vise que les entreprises cotées en Bourse car c’est "là que les abus sont les plus flagrants", selon un ancien procureur, partisan de l’initiative. Le texte interdit aussi les "golden hello" et les "golden goodbye", ces primes à l’arrivée ou au départ d’un dirigeant dans une société. Les patrons se verraient aussi privés de primes lors de l’acquisition d’une société. Et en cas de non-respect de ces règles, ils pourraient être envoyés en prison, tout comme les membres du conseil d’administration.
Levée de boucliers. L’initiative Minder passe mal auprès du gouvernement suisse. Un contre-projet, beaucoup moins ambitieux, a donc été préparé. Un comité baptisé "non à l’initiative Minder" s’est aussi monté. Son argument : en acceptant cette initiative, la Suisse "se doterait du droit de la société anonyme le plus rigide du monde.
Les arguments des opposants en vidéo :
Reste qu’auprès de la population, l’idée semble séduire. D’après les derniers sondages, les Suisses sont 65% à soutenir l’initiative populaire. Une récente polémique autour des 57 millions d’euros de bonus de départ du PDG de Novartis, Daniel Vasella, a peut-être contribué à cette popularité.
Et si les Suisses votent oui ? Si le "oui" l’emporte, il faudra attendre encore un peu avant de voir la mesure appliquée. Le gouvernement devra en effet rédiger un projet de loi respectant les dispositions de l’initiative et la faire approuver par le Parlement. Faute de majorité, c’est le contre-projet du Parlement qui entrerait directement en vigueur.