Cet été, Philippe Martinez, capitaine d’un remorqueur de haute mer, naviguait au large de la Libye pour ravitailler des plateformes de forage et de pétrole. Mais ce Breton a surtout croisé la route de nombreuses embarcations de réfugiés, à la dérive dans la Méditerranée. Il a sauvé plus de mille vies. Invité d'Europe1, il a raconté ce qu'il y a vu.
Un radeau "plein à craquer". “La première fois, j’ai aperçu une sorte de radeau gonflable d’une douzaine de mètres de long, qui paraissait surchargé. A la jumelle, on a vu qu’il était plein à craquer, il y avait environ une centaine de personnes dessus”, raconte-t-il.
>> LIRE AUSSI - La Méditerranée, plus que jamais un cimetière de migrants
A ce moment là, le capitaine breton, originaire de Vannes, met son zodiac à l’eau, et demande à ses officiers d’aller interroger les personnes à bord. “Ils n'avaient plus d’eau ni de vivres, et plus que 20 litres d’essence”, se souvient le capitaine. Dans l’embarcation sommaire, des hommes, des femmes, certaines enceintes, mais aussi des enfants. Tous sont déshydratés.
Les passeurs mis en cause. Le capitaine et son équipage décident de les sauver. Mais avant de monter à bord, les migrants demandent où le bateau se dirige. “Si on leur avait dit qu’on allait en Libye ou en Tunisie, ils se seraient jetés à l’eau. Ils refusent d’y retourner”, explique Philippe Martinez.
>> LIRE AUSSI - Drames de Lampedusa et Malte : "on ne peut pas continuer comme ça"
Des migrants économiques et politiques qui n’ont pas vraiment conscience du danger encouru, selon Philippe Martinez. “Pour eux, la Méditerranée est un grand lac. On leur fait miroiter qu’en deux heures, ils seront en Italie, alors que c’est faux”. Le marin met en cause les passeurs. Ces derniers leur font payer la traversée entre 1.000 et 3.000 dollars,
>> LIRE AUSSI - En Méditerranée, les Gazaouis fuient et risquent leur vie
"Certains étaient morts". Au fil des jours, Philippe Martinez a croisé la route de plusieurs embarcations de fortune. “Dans le plus gros qu’on ait sauvé, il y avait 684 personnes à bord. Certaines personnes étaient mortes, le bateau penchait à 20 degrés, il se renversait”, raconte le capitaine, qui a toujours reçu le soutien de sa hiérarchie dans ces opérations de sauvetage. Mais tous les navires ne viennent pas en aide aux migrants. Selon Philippe Martinez, certains équipages regardent ailleurs lorsqu’ils croisent ce genre d’embarcations.
Au fil des années, la mer Méditerranée s’est transformée en cimetière massif des nombreux candidats à l’immigration clandestine. Depuis le début de l’année 2014, plus de 3.000 personnes, fuyant les conflits et la misère, sont mortes en tentant la traversée, a annoncé l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).