Le jour du massacre commis par Anders Breivik, Khalid Haji Ahmed faisait partie de l'encadrement du parti travailliste pour le camp de vacances des jeunes organisé sur l'île d'Utoya, en Norvège, avec ses deux jeunes frères. L'un d'entre eux a été tué par l'extrémiste dont le procès s'ouvre lundi. Khalid Haji Ahmed, aujourd'hui conseiller municipal, enseignant en congé maladie depuis la tuerie, a raconté à Europe 1 le cauchemar qu'il a vécu le 22 juillet dernier.
"On pouvait sentir l'odeur de la poudre de son arme" :
Khalid Haji Ahmed se souvient d'avoir vu "un monsieur habillé en policier, bourré d'armes, le regard calme". Une jeune fille se dirige vers lui et lui demande ce qui se passe. "Sa réponse, c'était deux coups : il a tiré deux fois, sur sa poitrine. Elle tombe, il lui tire une balle dans la tête".
"On pensait qu'on était les seuls survivants"
"A ce moment-là, je réalise que ce monsieur est venu pour tuer", raconte Khalid Haji Ahmed. Ce rescapé crie alors : "dehors !". "On a dit aux jeunes, ceux qui savent nager, 'nagez'". Khalid Haji Ahmed, lui, n'a pas voulu nager : "je ne pouvais pas quitter l'île sans savoir où étaient mes deux petits frères".
Caché avec d'autres dans des buissons, il pouvait entendre les tirs du tueur. "Il y avait un moment où on n'entendait que le bruit de la pluie et du vent. On pensait qu'on était les seuls survivants". Un peu plus tard, Khalid Haji Ahmed entend une voix "douce, très gentille" : "il y a des survivants ? Sortez, le tueur a été arrêté, j'ai un bateau, les renforts vont venir, vous êtes en sécurité maintenant !".
"Les cris de peur"
"Là, j'entends trois filles qui disent 'Etes-vous sûr que vous êtes de la police ? Montrez-vous votre carte'". Puis, des coups de feu. Anders Breivik venait de tirer à nouveau. Khalid Haji Ahmed se dirige ensuite vers un bateau et tombe, car le sol est glissant. "Je tombe parmi des morts, et mon frère était parmi eux", se souvient-il.
L'image la plus forte qu'il garde, "c'est bien sûr le corps de [son] frère, abattu là-bas, sans vie". "Tous ces corps, les cris de peur, suppliant Breivik de ne pas tuer", décrit le rescapé.
Que Breivik "reste en prison à vie"
Du procès qui s'ouvre lundi prochain à Oslo, il attend "qu'il y ait justice, que ce monsieur reste en prison à vie, loin de la société norvégienne". Car pour Khalid Haji Ahmed, Anders Breivik n'est "pas un fou". Quelqu'un qui "arrive à faire un attentat à Oslo et tromper tout le système de sécurité, qui s'est préparé pour venir et tuer des jeunes innocents sur une île, ce n'est pas un fou", estime-t-il.
Le procès doit durer dix semaines. Ce n'est donc qu'en juillet que les juges diront si Anders Breivik doit aller en prison ou doit être interné.