Anna Wintour, la célèbre patronne du Vogue américain, ne descendra plus au Meurice, le palace parisien. La papesse de la mode a déclaré qu'elle ne pouvait "en conscience" continuer de descendre dans cet hôtel de luxe, car il appartient au sultanat de Brunei, où la charia, la loi islamique, a été instaurée progressivement depuis début mai par le puissant sultan Hassanal Bolkiah, l'une des plus grandes fortunes mondiales.
Anna Wintour Has Spoken: The Dorchester Collection is OUT http://t.co/P2yEt5UBPS via @HRCpic.twitter.com/2GKDIRcg6A— HumanRightsCampaign (@HRC) 29 Mai 2014
Le soutien d'un commissaire européen. La nouvelle législation du sultanat prévoit l'amputation de membres pour les voleurs, la flagellation pour la consommation d'alcool ou l'avortement, ainsi que la lapidation pour divers crimes. Pour protester, plusieurs personnalités sont intervenues ces dernières semaines pour appeler au boycottage des hôtels Dorchester, parmi lesquels figurent les palaces parisiens Plaza Athénée et Meurice et d'autres hôtels de grand luxe dans le monde. Outre Anna Wintour, qui a prévenu que les hôtels Dorchester risquaient bien d'être "désertés au profit de la concurrence" pendant les prochaines "fashion week(s)" de Paris, Milan ou Londres, d'autres célébrités ont protesté : Richard Branson, le milliardaire britannique à la tête de Virgin, François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering, Stephen Fry, comédien britannique, ou encore Ellen DeGeneres, animatrice de télévision américaine. Vendredi, ces personnalités ont reçu le soutien du commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.
Karel De Gucht supports raising awareness of unacceptable strict Sharia law in Brunei thru Dorchester Hotel #boycott by many int celebs— John Clancy (@EUJohnClancy) 30 Mai 2014
"C'est de l'acharnement". Le groupe Dorchester, qui appartient à l'Agence d'investissement de Brunei, un fonds souverain contrôlé par le sultanat, compte dix hôtels de luxe, fréquentés par une clientèle riche et parfois célèbre. Le directeur général de Dorchester Collection, François Delahaye, s'est dit "stupéfait de voir l'ampleur que cette affaire prend", en s'inquiétant de son impact pour les 3.500 salariés. "C'est de l'acharnement. Et les seules personnes qui vont être affectées par ce boycott, ce sont les 3.500 salariés du groupe, certainement pas le sultan", a-t-il estimé.
Déjà des réservations annulées. Les effets des appels au boycottages commencent en effet déjà à se faire sentir : des annulations ont été enregistrées dans les établissements concernés. Pour François Delahaye, qui assure ne pas défendre la charia, "loin de là", "si on devait sanctionner tous les hôtels de prestige qui ont des capitaux là où sévit la charia, il n'y aurait plus beaucoup d'hôtels de prestige où descendre".
DECRYPTAGE - Brunei : luxe, pétrole et charia
ZOOM - Faut-il avoir peur de la charia