Les républicains ont eu Clint Eastwood, les démocrates auront Bill Clinton. L’ex-président américain est l’une des stars incontestées de la convention démocrate, qui se tient de mardi à jeudi à Charlotte, comme le fut l’acteur et réalisateur il y a quelques jours en Floride. Et comme ses adversaires, les partisans de Barack Obama comptent bien glaner de nombreuses voix grâce à l’aura et la personnalité de son invité vedette.
"Un talent politique extraordinaire"
Car onze ans après avoir quitté la Maison Blanche après deux mandats, Bill Clinton reste très populaire. "C’est un soutien dont Barack Obama ne peut pas se passer", confirme Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis, jointe par Europe 1.fr. "C’est le seul président démocrate qui a été réélu depuis Harry Truman (1945-1953)", rappelle l’historienne. Et cette popularité résiste à l’épreuve du temps. Mieux, elle se bonifie. 60 % des Américains considèrent aujourd'hui que Bill Clinton était un président exceptionnel, selon un sondage Gallup, contre 50 % en 2009. Des présidents récents, seul Ronald Reagan fait mieux, à 69 %.
Cette haute estime tient d’abord à la personnalité même de l’ex-président américain. "Bill Clinton a un talent politique extraordinaire. Il a une chaleur, une empathie, une manière de raconter des histoires et de s’adresser finalement aux Américains les plus modestes qui ont tendance à ne pas voter pour Obama, qui est unique", poursuit Nicole Bacharan. Autant de qualités dont Bill Clinton devrait faire montre mercredi soir lors de son discours très attendu à la tribune démocrate. C’est du moins ce que Barack Obama, au coude-à-coude avec le républicain Mitt Romney dans les sondages, espère.
La présidence Clinton, "une parenthèse enchantée"
Pour beaucoup d’Américains, Bill Clinton représente aussi une période faste pour les Etats-Unis. "C’était une espèce de parenthèse enchantée, la présidence Clinton. Avant le 11-Septembre et après la Guerre du Golfe", analyse Nicole Bacharan. "L’essentiel de l’énergie était consacrée au développement de l’économie, le pays était prospère, où on ne parlait pas de déficit, mais d’excédent budgétaire considérable. Ça fait encore rêver", insiste l’experte.
Lors des mandats de Bill Clinton, le taux chômage n’a en effet pas excédé 4%, et il avait réussi le tour de force de laisser à son départ un excédent budgétaire de 236 milliards d’euros. Raisons pour lesquelles Barack Obama, dont le bilan économique est le talon d'Achille, avec un chômage à 8,3% et une dette de 16.000 milliards de dollars, se revendique désormais de ce bilan. Lors de ses étapes de campagne, l’actuel président américain a ainsi volontiers usé d’un "nous" résolu pour rappeler le bilan économique des années Clinton.
Le Monicagate oublié
Et dans la très puritaine Amérique, même le Monicagate, du nom d’une stagiaire de la Maison Blanche avec lesquels Bill Clinton a eu une aventure extraconjugale, semble oublié. "D’abord, les Américains ne sont pas plus puritains que cela dans la vraie vie", sourit Nicole Bacharan. "L’affaire Monica est plus ou moins oubliée. C’était il y a longtemps. Il s’est passé tellement de choses très graves depuis, comme le 11-Septembre, la crise…", poursuit l’historienne, qui voit une autre explication : "Aujourd’hui, Bill Clinton, c’est quelqu’un de plus âgé, qui a l’air plus sage. Je ne sais pas si c’est vrai, mais au moins il en a l’air".
Depuis l'automne dernier, Bill Clinton est progressivement monté au créneau pour aider son junior de 15 ans. Il l'a ainsi accompagné dans plusieurs réunions de collecte de fonds, comme en juin dernier à New York. L'a parfois conseillé en coulisses. A salué dans un documentaire sorti en mars sa décision de lancer le raid contre Ben Laden. Et depuis deux semaines, on le voit dans des spots publicitaires télévisés, largement diffusés dans les Etats clés qui peuvent faire basculer l'élection de novembre. Une omniprésence dont Barack Obama s’accommode fort bien.
Les tensions de 2008 ont vécu
Ce n’était pas gagné, pourtant. En 2008, la primaire démocrate entre Hillary Clinton, épouse de Bill, et Barack Obama, avait été féroce. Et le soutien de Bill à un Barack Obama fraîchement investi avait à l’époque tout l’air forcé. "Ce sont des gens qui se sont beaucoup appréciés quand ils se sont connus. Les Clinton ont vu dans Barack Obama leur successeur. Simplement, ils ne pensaient pas que le successeur allait prendre immédiatement son tour", rappelle Nicole Bacharan.
Quatre ans plus tard, la donne a changé. D’abord parce qu’Hillary Clinton s’est épanouie dans son rôle de secrétaire d’Etat, un poste que Barack Obama avait eu l’intelligence politique de lui confier en 2008. "Et il ne faut pas oublier qu’au-delà des ambitions personnelles, les Clinton ont de vraies convictions. Et qu’ils pensent honnêtement profondément que les républicains mèneraient le pays dans le mur. Aujourd’hui, le soutien de Bill Clinton est beaucoup plus sincère. Et surtout plus crédible", conclut Nicole Bacharan.