C'est fait ! Depuis lundi, minuit, la Croatie est officiellement membre de l'Union européenne (UE), le 28e. L'ex-République yougoslave, indépendante depuis 1991, est le premier entrant depuis la Bulgarie et la Roumanie en 2007.Le pays ne devrait toutefois pas adopter la monnaie unique avant les années 2019-2020 et il n'est pas prévu non plus qu'il rejoigne l'espace Schengen avant des années.
A Zagreb, des milliers de personnes se sont rassemblées dimanche soir pour célébrer l'événement. Un feu d'artifice et des coups de canon ont été tirés tandis que retentissait l'hymne européen, l'Ode à la joie de Ludwig Van Beethoven dans la capitale croate. Mais dans l'ensemble, pas de festivités excessives. "Les cérémonies de célébration vont être belles et pleines d'émotion, mais bien sûr elles vont être modestes en raison de la situation économique" difficile, a justifié le président croate Ivo Josipovic. Surtout, l'enthousiasme des Croates n'est plus débordant comme lors de la demande d'adhésion à l'UE en 2003. L'Europe s'est, depuis, embourbée dans une crise économique qui a révélé ses difficultés de gouvernance. De son côté, la Croatie entame sa cinquième année de récession, avec un taux de chômage record à 20% et un PIB inférieur de 39% à la moyenne européenne.
>> Quels bénéfices attend la Croatie de son entrée dans l'UE ?
Séduire les investisseurs étrangers. En intégrant le bloc des 28 pays européens, la Croatie espère tout d'abord améliorer son image, encore marquée par quatre années de guerre il y a à peine vingt ans (de 1991 à 1995). Depuis sept ans, la Croatie a mené des réformes difficiles pour satisfaire les exigences de Bruxelles, notamment pour améliorer la concurrence dans le pays, lutter contre la corruption et livrer d'anciens criminels de guerre à l'Europe.
Ce long chemin a poussé le pays "à créer les conditions d'une économie plus compétitive", selon le ministre croate des Affaires étrangères Hrvoje Marusic dans un entretien aux Echos. A la clé : plus d'investissements étrangers, dont le pays a grandement besoin pour relancer son économie. "Il y a vingt ans, l'UE, sans nous comprendre, nous traitait de barbares", regrette Mislav Galic, vice-président de la plus grande entreprise croate, Agrokor, cité dans Le Monde. "Elle nous croyait engagés dans une 'guerre de tribus'. Quelle belle revanche, quand même !"
Stabiliser la région. La Croatie ne veut pas être la seule à espérer ce regain d'attractivité. "Nous avons surtout en tête la motivation première des pères fondateurs de l'Europe : l'enracinement de la paix", assure le ministre croate des Affaires étrangères, tout en reconnaissant que si Zagreb avait "pu choisir", elle aurait "probablement décidé d'entrer dans l'Union européenne à un autre moment". Mettant en garde contre une région qui "n'est toujours pas affranchie de ses démons", le ministre poursuit : les Balkans doivent "s'ancrer définitivement dans la stabilité et la prospérité". Le président croate Ivo Josipovic l'a lui-même souligné : "le but est de changer la perception et l'image des Balkans."
Aussitôt membre de l'UE, Zagreb a ainsi voulu attirer le regard vers ses voisins. Le jour même de l'adhésion de son pays à l'Union, Ivo Josipovic a reçu ses homologues de huit nations des Balkans : la Slovénie, déjà membre de l'UE, quatre autres ex-république yougoslaves (Serbie, Bosnie, Macédoine et Monténégro), le Kosovo qui a proclamé son indépendance de la Serbie en 2008, ainsi que l'Albanie. "Nous ne voulons pas que l'Europe s'arrête à nos frontières, elle doit être ouverte à d'autres pays", a affirmé Ivo Josipovic. Un avis que semble partager à Bruxelles : "la Croatie est un exemple pour les autres pays de la région", a ainsi lancé le président de la Commission européenne José Manuel Barroso à Zagreb. La Serbie devrait être la prochaine sur la liste : réunis en Conseil la semaine dernière, les chefs d'Etat européens ont donné leur feu vert à l'ouverture d'ici janvier de négociations d'adhésion avec Belgrade.