L'INFO. Le Soudan du Sud est "au bord du précipice". Vendredi, c'est le président américain, Barack Obama, lui-même qui a tiré la sonnette d'alarme en appelant les acteurs de ce conflit meurtrier, à "cesser immédiatement toutes les violences qui visent à déstabiliser le gouvernement" de ce jeune Etat, encore fragile, né en 2011. Le président américain parle même d'un risque de "guerre civile". 45 soldats américains ont été envoyés. L'Union africaine a mandaté jeudi une mission de paix.
En attendant, le bilan humain est déjà lourd : au moins 500 personnes sont mortes depuis dimanche et plusieurs centaines ont été blessées. Des dizaines de milliers d'autres ont été déplacées.
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QUELLES SONT LES RACINES DE CE CONFLIT ?
Une tentative de putsch a mis le feu aux poudres. Selon les autorités au pouvoir, les combats ont été déclenchés par une tentative de coup d'Etat de l'ex-vice président du pays, Riek Machar. Ce dernier est depuis longtemps le rival politique de l'actuel chef de l'Etat Salva Kiir, considéré comme le père de l’indépendance et chef du SPLM, le Mouvement populaire de libération du Soudan. Riek Machar a lui clairement appelé jeudi l'armée et le parti au pouvoir, le SPLM, à "renverser Salva Kiir". "S'il veut négocier les conditions de son départ du pouvoir, nous sommes d'accord. Mais il doit partir", a-t-il déclaré sur Radio France Internationale (RFI), accusant Salva Kiir de tenter "d'allumer une guerre ethnique". Le président Kiir s'était dit prêt mercredi à discuter avec son opposant, officiellement en fuite. La prochaine élection présidentielle est prévue en 2015.
Un conflit ethnique très ancien. Derrière ces tensions politiques se cache un vieux conflit ethnique. Il trouve racine dans les décennies de rébellion sudiste contre Khartoum (1983-2005) qui ont débouché en juillet 2011 sur l’indépendance du pays. En 1991, les troupes -majoritairement d'ethnie Nuer- de Machar, qui venait de faire défection de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), la rébellion sudiste historique, y avaient massacré quelque 2.000 civils Dinka, l'ethnie de Salva Kiir, le président. La Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a indiqué que le risque de conflit ethnique était de nouveau "extrêmement élevé", tout en se disant "profondément inquiète pour la sécurité des civils".
Une crise économique et politique. Depuis un an, le président mène une rigoureuse politique d'austérité, après l'arrêt des exportations de pétrole brut, la principale ressource publique du pays (98%). La raison ? Des désaccords persistants avec son voisin du Nord, le Soudan, par lequel passent les oléoducs. Cet Etat reste par ailleurs encore extrêmement fragile et le gouvernement a du mal à régler les multiples problèmes d'instabilité dans plusieurs régions du pays. Les droits de l'homme sont régulièrement bafoués et l'amélioration des conditions de vie pour la population tarde à venir.
QUELLE EST LA SITUATION SUR PLACE ?
Une recrudescence des violences. Sur le terrain, la situation est extrêmement chaotique. Des rebelles, présentés comme des partisans de Riek Machar, se sont emparés mercredi soir de la localité de Bor, capitale de l'Etat de Jonglei. Cet Etat semble donc hors du contrôle du pouvoir. Cette "prise" intervient alors que des combats ont fait depuis dimanche près de 500 morts. L'Etat du Jonglei fourmille de groupes armés, aux alliances changeantes. La situation est donc confuse et l'identité des troupes ayant pris cette localité n'a pas pu être confirmée. Face aux violences, environ 3.000 civils se sont réfugiés à la base onusienne de Bor ainsi qu'à Pibor, selon l'ONU. Outre ses bases de Juba, la capitale, du Jonglei et de Bentiu, la Mission de l'ONU au Soudan du Sud (Minuss) a indiqué héberger des civils dans quatre autres Etats.
A Juba, la sécurité a été rétablie jeudi mais de nombreux habitants ont pris d'assaut les bus pour gagner leurs villages ou l'Ouganda voisin. Près de 20.000 habitants restaient réfugiés dans les deux bases de l'ONU dans la capitale.