Pourquoi les Occidentaux fuient-ils le Yémen ?

© MOHAMMED HUWAIS / AFP
  • Copié
COURAGE FUYONS - Les ambassades fermées, les ressortissants occidentaux rapatriés… les étrangers fuient le Yémen, en proie à une profonde crise politique.

Anglais, Américains, Italiens, mais aussi Français, tous ont pris la même décision de fermer leur ambassade à Sanaa, capitale yéménite, et demander à leurs ressortissants de fuir le pays aussi vite que possible. Une décision peu surprenante à en juger le chaos qui règne actuellement dans le pays. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU lui-même, déclarait vendredi que le monde était "en train d'assister à l'effondrement du Yémen". Pourtant, le pays de la péninsule arabique vit depuis 2011 dans un climat de guerre civile depuis beaucoup plus longtemps. Les troubles, qui ont éclaté en 2011 lors du printemps arabe, avaient amené Ali Abdallah Saleh, le président yéménite, à quitter le pouvoir après 22 ans passés à la tête du pays.

>> Alors, pourquoi ne rappeler que maintenant les expatriés ? Qu'est-ce qui a réellement changé ces derniers temps au Yémen, pays en proie à une guerre civile et confessionnelle ?   

• Les Houthis ont pris le pouvoir

C'est le changement majeur dans la situation actuelle au Yémen. Le 20 janvier dernier, les miliciens houthis, historiquement basés dans le nord du pays, ont investi la capitale, Sanaa, 150 kilomètres plus au sud. Plusieurs milliers d'entre eux manifestaient dans les rues, tandis que les miliciens armés se sont emparés du palais présidentiel et ont arrêté le chef de l'Etat, Abd Rabbo Mansour Hadi. Le 6 février, ils décident de dissoudre le Parlement. La raison de ce coup d'Etat ? L'opposition des houthistes (du nom de leur leader Abdel Malek al-Houthi) au projet de fédéralisation du pays, qui ne leur donne pas assez de pouvoir.

Une vidéo des manifestations

Les Houthis sont issus d'une minorité de l'Islam chiite, les zaïdites. Ils ne partagent pas les mêmes convictions religieuses que le reste des chiites (comme les Iraniens par exemple). Ils dirigeaient le Yémen du nord entre 1948 et 1960, sous la forme d'un imamat (dirigé par un imam). Le président Ali Abdallah Saleh, en poste entre 1990 et 2012, était zaïdite, ce qui explique qu'une partie de son entourage soutient aujourd'hui les milices houthistes. Leur retour au pouvoir attise donc les tensions avec les sunnites, qui représentent 55% des 23 millions de Yéménites.

 >> LIRE AUSSI - Les miliciens s'emparent du palais présidentiel

• La branche d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique prospère sur le chaos

drapeaux-1280

© MOHAMMED HUWAIS / AFP

Outre ce revirement dans le rapport de force interreligieux dans le pays, le chaos actuel qui règne au Yémen bénéficie à la branche la plus puissante d'Al-Qaïda, Aqpa (Al-Qaïda dans la péninsule arabique), qui a revendiqué les attentats contre Charlie Hebdo. Une filiale du réseau terroriste née en 2009, et qui selon Mathieu Guidère, spécialiste du terrorisme interviewé par 20 Minutes, "profite actuellement du chaos et de l’instabilité politique, dans un contexte de guerre civile où chiites du nord, et sunnites du sud, s’affrontent." A noter que des membres d'Aqpa se sont récemment ralliés au groupe Etat islamique, comme le souligne Le Monde. Aqpa, qui vient de s'emparer d'un camp militaire jeudi, est un groupe sunnite, donc opposé aux milices houthistes, contre lesquelles il mène des attaques. Ils tiennent les régions montagneuses du sud du pays, accentuant un peu plus la partition religieuse et géographique du pays.   

>> LIRE AUSSI - Al Qaïda au Yémen, source d'inspiration des frères Kouachi