Procès : Cassandre et Houria étaient deux femmes "libres"

Les parents des deux étudiantes françaises tuées à Salta en 2011 ont pris la parole lors de l’ouverture du procès.
Les parents des deux étudiantes françaises tuées à Salta en 2011 ont pris la parole lors de l’ouverture du procès.
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avec AFP , modifié à
ARGENTINE - Les parents des deux étudiantes françaises tuées à Salta en 2011 ont pris la parole lors de l’ouverture du procès.

Quand cette mère, avec son hijab noir, s'est assise face aux juges, on pouvait lire dans son regard une profonde détresse. "Houria travaillait bien à l'école et à la maison. Pourquoi je dois venir jusqu'ici ? On m'a pris ma fille", a-t-elle dit dignement, lors de l’ouverture du procès des meurtriers présumés de Cassandre Bouvier et Houria Moumni.

Leurs parents ont pris la parole face aux juges pour évoquer des jeunes filles qui étaient, avant tout, des femmes "libres".

"Elle avait conscience de la fragilité des femmes". L'intrépide Cassandre, 29 ans, avait déjà sillonné l'Amérique latine : Salvador, Honduras, Argentine, République dominicaine, le Guatemala, pays pour lequel elle avait une tendresse particulière, mais aussi le Kenya ou Madagascar.

"Elle allait dans des pays dangereux mais elle était prudente. Elle avait conscience de la fragilité des femmes", assure son père Jean-Michel Bouvier. Durant son adolescence, elle avait fait du judo et, à l'âge de 17 ans, elle avait réussi à mettre en déroute un agresseur qui avait tenté de la violer, à Cergy-Pontoise, en région parisienne.

C'est un colloque de sociologie sur l'orientalisme en Amérique latine, c'est-à-dire l'influence arabo-musulmane dans cette région, dont elle était coorganisatrice, qui l'a conduite à Buenos Aires, fin juin 2011. Cassandre Bouvier, qui aurait fêté mercredi ses 32 ans, avait terminé ses études et devait travailler dans un institut de recherche à son retour à Paris, où elle entretenait une relation sentimentale avec un étudiant espagnol, Jaime.

C’est un "féminicide". Elles ont été tuées car elles étaient des femmes, sur un continent lourdement endeuillé, de Ciudad Juarez au Mexique à Salta, en passant par le Guatemala, des pays qui ont donné un nom à cette violence : le féminicide. Le père de Cassandre s'est d'ailleurs fixé comme objectif de faire figurer le concept de "féminicide" dans le code pénal français.

La sœur de Cassandre, Alienor, a quant à elle expliqué que sa sœur lui avait dit combien elle aimait Buenos Aires, dans un long mail envoyé quelques jours avant le drame. Hélène, la mère de la jeune femme, s’est rappelé la volonté de sa fille qui avait appris l’espagnol toute seule, sans prendre de cours et qui n’arrivait pas à prononcer les « r » roulés comme il le fallait, peut-on lire dans le quotidien argentin La Gaceta.

Une jeune fille introvertie et travailleuse. Houria Moumni, 24 ans, était, quant à elle, plus discrète et introvertie que Cassandre. Les deux jeunes filles avaient noué une amitié durant le congrès de sociologie à Buenos Aires. Pour Houria, c'était la découverte de ce continent sur lequel elle avait tant lu.

Etudiante comme Cassandre à l'Institut des hautes études sur l'Amérique latine, elle avait envie de découvrir l'Argentine profonde, avant de passer un an à l'université de Mar del Plata, port et station balnéaire sur l'Atlantique. La jeune femme vivait encore chez ses parents en Seine-Saint-Denis mais avait pris le large en 2010, allant passer une année en Espagne, à l'université de Salamanque.

Des coups de fils quotidiens. Malgré la distance et le décalage horaire entre la France et l'Argentine, elle appelait chaque jour sa mère sur son portable, pour la rassurer. Le dernier appel a été passé le jour présumé du meurtre, le 15 juillet 2011. Une licence d'espagnol en poche, elle s'apprêtait à entamer un Master sur l'immigration syrio-libanaise en Amérique latine.

Elle faisait le bonheur de ses parents, des immigrés marocains arrivés en France dans les années 1970. Soucieux de la réussite éducative de leurs six enfants, ils se délectaient des diplômes décrochés par Houria. "Son nom signifiait "liberté" en arabe", a souligné la mère de la jeune fille. "Je veux savoir pourquoi on lui a pris la vie à seulement 21ans", a -t-elle déclaré.

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