C’est un macabre marchandage auquel se livre l’organisation Etat islamique (EI). Depuis plus d'un mois, les djihadistes détiennent Maaz al-Kassasbeh, un Jordanien, pilote de l'armée capturé après le crash de son F-16 alors qu'il menait des frappes en Syrie. L'EI détient également un otage japonais, le journaliste indépendant Kenji Goto. Dimanche, le groupe a annoncé avoir exécuté un autre otage japonais, Haruna Yukuwa. Avant de lancer un ultimatum : l'EI réclame la libération d'une prisonnière irakienne en échange de l'otage Kenji Goto. Si cette prisonnière, Sajida al-Rishawi, n'est pas libérée, le groupe djihadiste menace aussi de tuer le pilote jordanien. Amman s’est dit prêt à libérer cette prisonnière, Sajida al-Rishawi, mais exige la libération de son pilote, une option qui n’a pas été évoquée par l’EI. Retour sur le parcours de cette djihadiste condamnée à mort en Jordanie, dont la libération serait un symbole important pour l’EI.
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"J’ai tenté d’actionner le détonateur". Le 9 décembre 2005, des attentats visant trois hôtels d’Amman font 60 morts, pour la plupart des invités à une réception de mariage. Ces attaques sont revendiquées par Al-Qaïda en Irak, le groupe extrémiste sunnite dont est issu l’Etat islamique. L’un des attentats est commis par Ali Hussein al-Chammari, l’homme que Sajida al-Rishawi vient d’épouser. Elle-même participe à l’attaque, mais sa ceinture d’explosifs ne se déclenche pas. Sajida al-Rishawi prend la fuite avant d’être arrêtée, quelques jours plus tard.
Dans une confession télévisée, elle admet, très calmement, avoir participé aux attentats. "J’ai tenté d’actionner le détonateur, et cela n’a pas marché", cite Le Figaro. Sajida al-Rishawi est ensuite condamnée à mort par la justice jordanienne. Aujourd’hui âgée de 44 ans, elle croupit toujours en prison, où, selon le New York Times, elle refuse de se mêler aux autres détenues.
Son frère, bras droit d’Al-Zarkaoui. "Pendant neuf ans, personne ne l’a réclamée", note une journaliste jordanienne. Pourquoi les djihadistes de l’EI demandent-ils aujourd’hui sa libération ? Peut-être bien pour faire de leur "sœur emprisonnée" une héroïne leur permettant de remonter à leurs origines, avance le quotidien américain.
Car Sajida al-Rishawi est "proche de la génération des ‘historiques’ d’Ai-Qaïda en Irak", souligne Le Monde. Son premier mari était déjà membre de l’organisation terroriste. Mais c’est surtout son frère qui était haut placé dans l’organisation : Thamer Moubarak Atrouss, tué en 2004 dans la bataille de Fallujah, était le bras droit d’Abou Moussab Al-Zarkaoui, chef d’Al-Qaïda en Irak, tué en juin 2006. En réclamant la libération de Sajida al-Rishawi, les djihadistes de l’Etat islamique tenteraient donc de se placer dans la droite ligne d’Al-Zarkaoui.
Mais l’EI place aussi la Jordanie dans une position délicate. Le Japon, son allié et l’un de ses principaux créanciers, tente de la persuader de faire le maximum pour faire libérer son ressortissant, Kenji Goto. Amman réclame de son côté à l’EI une preuve de vie de son pilote, qu’elle n’a toujours pas obtenu.
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