Qui soutient Battisti en France ?

Cesare Battisti a obtenu le soutien d'écrivains et d'hommes et femmes politiques en France. © MaxPPP
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Aurélie Frex , modifié à

Intellectuels et politiques ont soutenu l’ancien militant d’extrême-gauche, libéré mercredi.

En fuite depuis trente ans, Cesare Battisti bénéficie de larges soutiens en France, pays qu’il a habité de 1990 à 2004. Cet ancien militant italien d’extrême-gauche, condamné par contumace en 1993 à la réclusion à perpétuité en Italie pour quatre meurtres et complicité de meurtres dans les années 1970, se dit innocent. Mercredi, la Cour suprême du Brésil a refusé son extradition vers l’Italie, et l’a donc libéré. Intellectuels de gauche, associations de défense des Droits de l’homme, et élus français le soutiennent-ils encore ?

Battisti davantage isolé au Brésil ?

"C’est fini maintenant". C’est ainsi que l’avocat français de Cesare Battisti, Eric Turcon, joint par Europe1.fr, a réagi à la nouvelle. Car "l'affaire Battisti" traîne depuis plus de quatre ans devant les tribunaux brésiliens, après l'arrestation de l'Italien en mars 2007 à Rio de Janeiro. Il a passé la majeure partie de ces quatre dernières années derrière les barreaux dans la banlieue de Brasilia.

Emprisonné, Cesare Battisti, que ses proches ont dit psychologiquement atteint, était toujours soutenu en France, mais de façon plus disparate. "Cela m’étonne de ne pas avoir été sollicité pour Battisti", confie à Europe1.fr Gilles Lemaitre, membre du bureau d’Attac France, qui avait soutenu Battisti en 2004, lorsque, résidant en France, il était menacé d’extradition. "C’est vrai qu’il y a eu des problèmes au sein de sa défense et des tensions à cause des pressions des Italiens", ajoute-t-il.

"Il y avait des liaisons"

"Il y avait des liaisons qui se faisaient avec certains amis de Battisti qui lui rendaient visite", confie à Europe1.fr le romancier Gérard Streiff, un soutien actif de Battisti, et son ami. "On suivait de loin, on avait des nouvelles de son état de santé via des films, qui étaient diffusés sur Internet".

De son côté, Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice PCF de Paris, explique à Europe1.fr cette mobilisation moins forte : "le comité s’est un peu éclaté, et c’était très difficile d’avoir une action en France, alors que cela ne dépendait plus de la France". L’élue explique toutefois avoir eu des nouvelles régulières de Battisti, via la romancière Fred Vargas, qui a effectué une dizaine de voyages au Brésil.

Car l’écrivaine, auteure de romans noirs, comme Battisti, a beaucoup investi dans la défense de Battisti, et pris la tête de ses soutiens. Elle payait ses avocats et aidait financièrement ses proches. "Elle a contribué financièrement (…) Battisti et sa famille n’ont jamais eu beaucoup d’argent", explique Nicole Borvo Cohen-Seat. "Ses rencontres avec des journalistes, avec des ministres, ont été déterminantes", selon l’avocat Eric Turcon, ainsi que "la présence de sa femme, une Brésilienne, qui ne l’a jamais lâché, de ses avocats, et d’une sœur, une visiteuse de prison qui parlait français".

Un comité de soutien dans les années 2000

Battisti, l'une des dernières figures des "années de plomb", fuit l’Italie, et obtient la protection de la France à partir de 1990, comme des centaines de militants d’extrême gauche, protégés par la "jurisprudence Mitterrand". Il s’installe alors à Paris, où il devient auteur de romans noirs, et occupe un emploi de gardien d’immeuble. C’est à cette époque qu’il se fait de nombreux amis, notamment écrivains, mais aussi politiques. "Nous le connaissions bien, car il habitait le 9e arrondissement", se souvient ainsi Nicole Borvo Cohen-Seat.

Alors que la France fait marche arrière sur la décision de Mitterrand, et que Battisti est menacé d’une extradition vers l’Italie après 2002, un groupement d’intellectuels se forme, mené par la romancière Fred Vargas. Bernard-Henri Levy, Guy Bedos, Philippe Sollers, George Moustaki, mais aussi des élus Verts, comme Noël Mamère, et communistes, comme Marie-George Buffet, s’opposent à une extradition.

Fred Vargas publie un livre

Un soutien destiné, à l’époque, à rappeler à la France qu’elle devait tenir parole. "La France s’était engagée à ne pas extrader Battisti, et d’autres Italiens d’ailleurs. Quand la parole de la France est engagée, nous croyons qu’il faut la respecter", affirme à Europe1.fr l’ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, Michel Tubiana.

Des intellectuels et élus qui dénoncent également la façon dont il a été jugé. "Je n’acceptais pas que Cesare Battisti puisse être extradé et ensuite emprisonné sans avoir la possibilité de s’expliquer devant un tribunal", explique à Europe1.fr Gilles Lemaire. Fred Vargas le défend bec et ongles à travers un livre. Persuadée de son innocence, elle publie La Vérité sur Cesare Battisti, un recueil de textes et de documents, qui montre en quoi une extradition serait "une injustice profonde".

Un ouvrage qu'elle avait défendu dans différents médias :

L’arrestation en 2007, "politique" ?

Alors que Battisti a fui la France pour se réfugier au Brésil, où il a été arrêté en 2007, avec le concours de la police française, nombreux sont ceux qui se sont insurgés, et s’en sont pris à Nicolas Sarkozy. On parlait à l’époque d’une arrestation "électorale et électoraliste". Fred Vargas avait ainsi lancé : "il (Nicolas Sarkozy, ndlr) savait très bien où se trouvait Cesare Battisti depuis 2004. Il l'a laissé cavaler pour le rattraper au moment de la campagne présidentielle. Je n'appelle pas ça avoir de l'humanité".

"Si longtemps après, et alors que des promesses avaient été faites par François Mitterrand, cette arrestation me paraissait incongrue", explique à Europe1.fr Gilles Lemaire.

"Une très très bonne nouvelle"

Les soutiens de Battisti disent avoir "hâte" de l’entendre s’exprimer, et lui souhaitent de "profiter de la vie, et de la tranquillité retrouvée" après la "très très bonne nouvelle" de sa libération. Et ce dans l’espoir d’une clémence de l’Italie, qui a rappelé vendredi son ambassadeur à Brasilia pour "consultations" sur l’affaire Battisti. "L’Italie doit arrêter de courir après ses démons, et pratiquer cette règle universelle qu’est l'amnistie", demande Gérard Streiff.