Plus de peur que de mal, pour cette fois en tout cas. La grosse frayeur suscitée, dimanche matin, par le fort taux de radioactivité relevé dans une nappe d'eau, échappée d'un réacteur de la centrale de Fukushima, résultait en fait d'une impensable erreur de Tokyo Electric Power (Tepco). Elle a été dénoncée par le gouvernement japonais, qui a jugé la confusion de Tepco "inacceptable".
Tout est parti de la déclaration d'un porte-parole de Tepco tôt dimanche matin. En faisant état d'un relevé de 1.000 millisieverts par heure, ce dernier annonce aux journalistes : "ce chiffre est 10 millions de fois plus élevé que le niveau de radioactivité de l'eau qui se trouve généralement dans un réacteur en bon état". Le personnel du réacteur 2 est alors évacué sur le champ et l'annonce alarmante est aussitôt reprise en boucle par les médias du monde entier.
Une annonce qui a alimenté la psychose
Coup de théâtre quelques heures plus tard : Tepco convoque, en urgence, la presse. Le niveau de radioactivité n'a jamais été "10 millions de fois plus élevée". En revanche, l'annonce, nettement moins inquiétante, d'un taux mesuré de "1.000 millisieverts par heure" dans l'eau retrouvée au sous-sol de la salle de la turbine est "exact". Il s'agit en fait d'un niveau 100.000 fois supérieur à la normale, a déclaré le vice-président de l'opérateur, Sakae Muto, qui a présenté ses excuses.
Comment Tepco explique cette incroyable erreur ? Le vice-président de Tepco, Sakae Muto, a déclaré que des éléments radioactifs avaient été "confondus" au cours d'analyses sur les échantillons prélevés dans la nappe. "Il s'est produit une confusion entre l'iode 134 et le cobalt 56", a platement détaillé Sakae Muto. De nouvelles analyses vont être réalisées au plus tôt. C'est la Commission de sûreté nucléaire du Japon, un organisme gouvernemental, qui a relevé l'erreur de Tepco.
Entre temps, la psychose engendrée par cette annonce erronée a fait des ravages. Tepco ayant indiqué que les substances détectées dimanche ne se trouvaient généralement pas dans l'eau du réacteur, les experts craignaient que le cœur du réacteur n'ait fondu.
Tepco "patauge dans l'information"
"L'exploitant de la centrale patauge à la fois dans l'information et dans l'eau radioactive, ce qui est beaucoup plus grave. Ca paraît très curieux de parler de '10 millions de fois plus' alors que c'est peut-être une valeur plus basse. (...) Donc donner des informations fausses, laisse penser que c'est une cacophonie, un bourbier dans lequel Tepco s'est mis bien involontairement", explique le consultant d'Europe 1, Alain Cirou.
Voilà qui va écorner encore l'image, déjà peu reluisante, de Tepco. L'opérateur est déjà accusé d'avoir minimisé, à maintes reprises dans le passé, les problèmes de sécurité intervenus dans ses centrales nucléaires. C'est également Tepco qui, jugeant les tarifs trop élevés, avait renoncé en août 2010 à assurer le site de la centrale Fukushima.
Lundi, l'action Tepco a d'ailleurs chuté de 18%, à un niveau auquel elle n'était jamais descendue depuis 1977. Une communication ratée qui est venue s'ajouter à la disparition de son PDG, qui n 'est plus apparu en public depuis le 13 mars. Selon la presse japonaise, il serait tombé malade, et aurait donc dû être remplacé par son numéro 2.
La situation reste grave
Si le pire semble, pour l'heure, écarté, la situation reste très grave à Fukushima. Exception faite de deux réacteurs, maintenant considérés comme stabilisés, quatre autres - réacteur 2 compris - suscitent toujours l'inquiétude. Ils émettent, par intermittence, de la vapeur ou de la fumée.
Pour éviter une détérioration désastreuse de la situation, les techniciens, pompiers et militaires cherchent toujours à faire baisser la température des réacteurs. Cela impose la remise en marche du circuit de refroidissement. Etant donné les risques de corrosion dus au sel de l'eau de mer, Tepco a dorénavant décidé d'utiliser de l'eau douce. Mais ces opérations sont sans cesse entravées par des pics de radioactivité et des difficultés techniques.
"Le Japon est loin d'être sorti de l'accident", pointait samedi le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans une interview au New York Times. Yukiya Amano, qui est Japonais, a aussi prévenu que les problèmes atomiques au Japon pourraient bien durer des semaines encore, sinon des mois. Un taux d'iode radioactif 1.150 fois supérieur à la norme légale a d'ailleurs été mesuré dans l'eau de mer prélevée à trente mètres seulement des réacteurs 5 et 6 de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Nord-Est du Japon), a annoncé lundi l'Agence de sûreté nucléaire.
Autres motifs d'inquiétude : les répliques du séisme. Un séisme de magnitude 6,5 s'est produit dans la nuit de dimanche à lundi au large du Nord-Est du Japon et une mise en garde au tsunami a été lancée pour la côte de la préfecture de Miyagi, la plus éprouvée par la catastrophe du 11 mars, a annoncé lundi l'Agence météorologique japonaise.